Santiago, Marianela Jarroud/InfoSud-IPS - En 2012, tous les indicateurs macro-économiques chiliens sont passés au vert : le pays a réussi à éviter la crise financière européenne, affichant une belle croissance de 5,5%, et un taux de chômage officiel de 6%. Des nouvelles encourageantes sur lesquelles le gouvernement de Sebastian Piñera s’est empressé de communiquer. Un
portail web ad hoc a même été lancé pour valoriser les progrès réalisés par la droite aux rênes du pays depuis 2010, après vingt ans de présidence centriste. Un satisfecit personnel également pour M. Piñera.
Pourtant, cette apparente amélioration de la santé économique du pays n’a pas bénéficié au président.

Sa popularité reste très faible, avec seulement 30% des Chiliens qui approuvent sa politique en matière d’économie et d’emploi. La raison ? « Piñera n’est pas perçu comme un président honnête ou accessible, contrairement à son prédécesseur, la socialiste Michelle Bachelet, qui a gouverné de 2006 à 2010 avec plus de 50% de soutien à ses choix politiques », remarque Mauricio Morales, politologue à l’université Diego Portales située à Santiago, la capitale. Cela fait de Bachelet, qui dirige aujourd’hui l’ONU Femmes, la candidate la plus susceptible de remporter les élections présidentielles d’octobre prochain, même si elle n’a pas encore annoncé sa décision de se présenter.

Patience à bout

Selon Manuel Riesco, économiste au Centre d’études nationales sur le
développement alternatif, une lecture plus en amont s’impose : si la cote de popularité de M. Piñera a autant sombré, c’est que les Chiliens ne sont pas très impressionnés par ces indicateurs économiques positifs mais restent davantage préoccupés par les « injustices sociales accumulées » que le gouvernement continue d’ignorer. « Les gens pensaient à tort que la fin de la dictature en 1990, mettrait un terme aux abus qu’ils ont subis. Cela ne s’est pas produit, parce que si le système politique s’est démocratisé, le modèle en place est resté fondamentalement le même, sans modifications substantielles », souligne M. Riesco. Pour lui, « les Chiliens sont des citoyens bien informés. Mais après vingt ans, leur patience est arrivée à bout. »

Ce mécontentement s’est traduit par des protestations sociales au Chili
tout au long de 2012. Le mot d’ordre a alors été un appel pour un changement structurel au niveau de l’Etat et la réforme d’une Constitution qui date de la dictature de Pinochet et que beaucoup perçoivent comme une entrave à la mise en place d’une société plus juste et progressiste. Contrairement aux revendications populaires de 2011 qui portaient surtout sur la démocratisation de l’éducation. Ainsi, les Chiliens des classes moyennes ont aujourd’hui rejoint les universitaires et autres contestataires pour manifester contre l’incapacité du gouvernement à traduire la croissance économique par une réduction de l’injustice sociale, de la pauvreté et de la dégradation de l’environnement.

Solitude du pouvoir

Longtemps présenté comme le « miracle économique d’Amérique latine », le Chili est aussi celui qui abrite les écarts les plus importants entre
riches et pauvres de tout le continent. Selon une enquête du Ministère du
développement social, en 2011 le revenu des secteurs les plus riches de la société chilienne était trente-cinq fois supérieur à celui des secteurs les plus pauvres. Malgré des prévisions optimistes, « si Piñera n’a pas encore suscité beaucoup de popularité » il est peu probable qu’il le fera en 2013, estime le politologue Mauricio Morales. Et pour sa dernière année comme président, il va « devoir faire face, comme jamais auparavant, à la solitude du pouvoir. »