Genève, Juliette Müller/InfoSud - « Je ne peux participer à une armée qui occupe un autre peuple (sic), et
rend la société israélienne violente et apathique face à ce qu’il se passe ». Udi Segal, 18 ans, fait partie des cinquante jeunes israéliens qui, le 8 mars dernier, signifiaient au premier ministre Benyamin Netanyahu leur refus d’effectuer leur service militaire obligatoire.

« Dans les territoires palestiniens, les droits humains sont violés et des
actes définis comme des crimes de guerre par le droit international sont
perpétrés quotidiennement. En accord avec notre conscience, nous ne pouvons participer à un tel système », précise leur déclaration commune. Et la lettre d’ajouter : « Le problème avec l’armée ne se limite pas aux dommages qu’elle inflige à la société palestinienne. Elle infiltre également la vie quotidienne en Israël, influence le système éducatif et nos opportunités d’emploi, tout en favorisant le racisme, la violence
et la discrimination ».

Si d’autres objecteurs se sont manifestés par le passé, il s’agit du plus grand groupe à déclarer collectivement son refus de servir dans l’histoire d’Israël. Un choix assumé, dans ce pays où les rares exemptions au service obligatoire pour « raison de conscience » ne
sont en général accordées que pour des motifs religieux. « Les jeunes qui refusent de servir en raison de leur opposition à l’occupation s’exposent à des peines de prison qui peuvent aller jusqu’à plus d’un an », indique Ruth Hiller, de l’association New Profile, qui informe sur le refus de servir et cherche à susciter le débat sur l’impact de la militarisation de la société israélienne.

« Le militarisme est présent partout : dans le matériel scolaire, la publicité, les rues, etc. Dès le plus jeune âge, l’armée est promue dans les écoles. Les jeunes doivent aspirer à être de bons militaires, ce que les parents ne remettent pas en question. Il n’y a pas de place pour s’imaginer autre chose ! » s’insurge l’activiste. « Il n’est souvent pas possible d’aborder ce sujet en famille ou à l’école. New Profile cherche à créer des espaces de discussion, à encourager le développement d’une pensée critique. Nos interventions provoquent parfois de vives réactions, mais c’est le but recherché : que les gens rentrent chez eux et en parlent à la table familiale. Lors de notre première conférence publique sur le militarisme et le droit à l’objection de conscience, des manifestants scandaient "Auschwitz never again" ("Plus jamais d’Auschwitz", ndlr) », se souvient-elle.

Une lutte qui demande une grande détermination : en 2011, plusieurs organisations qui remettent en question le militarisme ou l’occupation des territoires palestiniens étaient ainsi qualifiées de « terroristes » par l’ancien ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman. Parmi celles-ci, New Profile, mais également Breaking the Silence, composée d’anciens soldats qui témoignent des exactions commises par Tsahal dans les territoires palestiniens.

Pour sa part, New Profile a été interdite d’accès aux écoles lors de la journée des droits humains ou encore accusée d’« incitation au refus de servir », menant à une enquête où quantité de matériel était saisi et plusieurs activistes interrogés, avant d’être innocentés par les tribunaux. « C’est une forme d’intimidation. Malgré notre petite taille, nous sommes perçus comme une menace. Près de 100 personnes continuent pourtant à appeler notre hotline chaque mois, et ce nombre est en augmentation », commente Ruth Hiller.

« Nous appelons le public israélien à reconsidérer sa position sur l’occupation, l’armée, et le rôle de cette dernière dans la société civile. Nous croyons en la capacité des civils à changer la réalité et à créer une société plus juste et équitable ». Mais face aux résistances de la société israélienne, pas sûr que cet appel des objecteurs du 8 mars parvienne à raviver le débat.