Harare, Jeffrey Moyo/InfoSud-IPS - Assise confortablement derrière le volant de son 4x4 flambant neuf, Madeline Murambwi se faufile à travers les rues d’Harare, la capitale du Zimbabwe. Sur le siège passager, dans son sac à main, des milliers de dollars qu’elle vient d’empocher lors de la vente aux enchères de sa dernière récolte de feuilles de tabac. « La culture du tabac est une affaire sacrément rentable, sourit-elle. Depuis que je m’y suis mise, ma vie a radicalement changé. » Mère célibataire de 47 ans, Madeline Murambwi
est à la tête d’une plantation de 32 hectares, dans la province du Mashonaland (est). « Depuis les débuts de mon activité en 2012, j’ai déjà réalisé plus de 42 000 dollars de chiffre d’affaires. J’ai commencé à investir dans l’immobilier ».

Selon les statistiques de l’Association des femmes producteurs de tabac du Zimbabwe( ZAWTF), sur les 85 000 petits récoltants recensés dans le
pays en 2013-2014, près d’un tiers sont des femmes. Et leur nombre ne cesse de croître. Certaines sont en train de devenir les nouvelles reines du tabac en parvenant à s’imposer dans un secteur traditionnellement dominé par les hommes, explique Grace Mapuranga, la présidente de ZAWTF : « L’augmentation de ce phénomène est une conséquence directe de la hausse du nombre de mères célibataires, veuves ou divorcées. Leurs lourdes responsabilités financières les ont poussées à repenser leurs moyens de subsistance. »

Le Zimbabwe est l’un des premiers pays exportateurs de tabac dans le monde. Ses principaux clients sont la Chine, la Belgique, les Émirats arabes unis, l’Afrique du Sud, la Russie, Hong Kong, le Soudan et la Malaisie. Et sur les 771 millions de dollars rapportés par son exportation en 2013, le quart est engrangé par des femmes cultivatrices, selon la ZATWF.

Soutenues par la société civile

Derrière le succès de ces nouvelles « baronnes » se trouvent des organisations de la société civile. « Nous fournissons des réseaux de soutien à ces femmes, en leur donnant accès à des formations et à des ressources qui leur permettent de développer leurs compétences agricoles et d’écouler leur production », explique Phides Mazhawidza, directeur de l’association Femmes agricultrices et fermières.

Mais malgré cet engouement et le fait que le gouvernement du président Mugabe appelle à une forte participation des femmes dans l’économie, le baromètre 2013 Gender Links souligne qu’il n’existe toujours pas de politique de sensibilisation au genre dans les secteurs de l’agriculture et des mines. Une situation qui devrait bientôt changer. Selon un haut fonctionnaire du Ministère du genre et des affaires féminines, « un cadre juridique pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est en ce moment à l’étude. Il devrait être mis en place avant 2016. » Ce fonctionnaire a cependant voulu resté anonyme.