Tolotama, Caroline Lefebvre/InfoSud - Finies les corvées de bois, la fumée qui irrite yeux et poumons. Accroupie dans sa petite cuisine, Mariam craque une allumette et enflamme d’un geste ses deux réchauds à gaz. Sur les murs de briques, des traces noires témoignent du temps où la fumée envahissait la pièce à chaque repas. « Je partais trois heures par jour chercher du bois, à pied, à trois kilomètres de la maison », sourit la jeune femme peule, dans le village de Tolotama, dans le sud-ouest du Burkina Faso.

Depuis quatre mois, cette famille d’ouvriers agricoles est équipée d’un biodigesteur domestique qui produit du gaz à partir des déjections animales. Dans un cylindre de béton, Mariam mélange chaque jour 40 kilos de bouse de vache avec autant d’eau, déversés ensuite dans une cuve souterraine qui emprisonne le méthane issu de la fermentation : « C’est très simple, en un quart d’heure c’est fait. » Des tuyaux acheminent le gaz jusqu’à la maison, où il alimente réchauds et lampes. Oubliées aussi les torches à piles coûteuses et polluantes. Quand la nuit tombe, vers 18 heures toute l’année, les quatre écoliers de la famille se regroupent sous la lumière pour apprendre leurs leçons.

Il suffit de posséder quatre bœufs ou six porcs pour alimenter un biodigesteur. Adapté à un pays où 80% de la population pratique l’élevage extensif et où le bois est souvent la seule source d’énergie accessible aux ménages, cet équipement contribue à limiter la déforestation et les rejets de méthane, gaz à effet de serre plus nocif que le CO2. Mais il fournit aussi, après fermentation, un engrais organique plus nutritif que le fumier.

En quatre ans, Salia Sanou, propriétaire de 9 hectares de coton et de maïs, a presque divisé par deux sa consommation d’engrais chimique.
Economie : 100000 francs CFA (185 francs suisses) par an. De quoi rentabiliser rapidement l’ouvrage, qui coûte 400000 francs CFA (740 francs suisses), dont 23% d’apports en nature (main-d’œuvre, sable...) et 40% de subvention dans le cadre du Programme national (gouvernemental) de biodigesteurs (PNB), qui travaille depuis 2010 à diffuser la technique.

Après l’ Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie, le Burkina Faso a été le premier pays d’Afrique de l’Ouest à rejoindre le programme de développement du biogaz sous l’impulsion de deux ONG néerlandaises, l’Organisation néerlandaise de développement (SNV) et l’Institut humaniste pour la coopération avec les pays en voie de développement (Hivos).

Plus de 4000 biodigesteurs ont été construits en trois ans dans tout le pays. C’est moins que les 6000 espérés, car il a fallu surmonter certaines réticences vis-à-vis d’une énergie issue de déjections animales. « Nous avons formé 380 maçons, dont 175 construisent un à trois ouvrages par mois », explique Hamidou Sama, conseiller en énergie renouvelable à la SNV, qui assure l’assistance technique du projet selon un modèle qui déjà fait ses preuves en Asie. « Nous les aidons aussi à s’organiser en coopératives. Car à terme le PNB doit disparaître. Ce sera alors aux maçons de faire vivre ce nouveau marché. »

Reste encore, selon Xavier Bambara, à « diminuer le coût de l’équipement, hors de portée d’une partie de la population », l’une des plus pauvres du monde avec un revenu moyen d’un euro par jour. A l’opposé de nombreux projets de développement adeptes de la gratuité, le PNB repose en effet sur la contribution du client. « Parce qu’on a intérêt à prendre soin de ce qu’on a payé », justifie Hamidou Sama. Les cuves en ciment exigent peu d’entretien, mais pour bien fonctionner il leur faut un chargement quotidien. Or en saison sèche, trouver la quantité de déjections et d’eau requise relève parfois du défi.

Un nouveau prototype nécessitant deux fois moins d’eau est à l’essai dans les zones sahéliennes du nord du pays. Les acheteurs peuvent aussi relier leurs toilettes à la cuve, comme cela se fait en Asie. Un excellent moyen de multiplier la production de biogaz, à condition de réussir à faire tomber une nouvelle barrière psychologique.