« J’étais un parfait marine. Jusqu’à aujourd’hui, ils ne comprennent pas pourquoi j’ai fait ça. » Pour l’armée américaine, Jimmy Massey, 34 ans, est un traître, un lâche... parce qu’il a osé interroger ses supérieurs sur les massacres de civils en Irak. Assis dans sa chambre d’hôtel à Genève, l’ancien soldat nous montre la boîte de pilules roses, vertes, jaunes qu’il doit avaler quotidiennement. « Syndrome post traumatique », lâche-t-il. La nuit précédente, Jimmy a de nouveau fait le même cauchemar : « Le visage de cet enfant violé par un soldat américain. J’étais là. » Silence.

Recruteur dans les quartiers pauvres

Rien au départ ne laissait présager la destinée de Jimmy Massey, protagoniste du documentaire suisse de Steven Artels, "Cauchemar d’Iral". « Mon père, mon grand-père avaient été dans les marines. Pour moi, la question ne se posait pas. En plus, c’était la seule possibilité d’étudier.

En 1991, Jimmy Massey entame donc sa carrière militaire : d’abord dans l’infanterie, ensuite comme instructeur puis recruteur. Cette dernière fonction est très répandue aux Etats Unis. Les recruteurs sillonnent les écoles et les quartiers pauvres pour enrôler de jeunes garçons. « C’est là que j’ai commencé à me poser des questions, explique-t-il. Je mentais à ces jeunes garçons pour les inciter à signer un contrat d’engagement. On faisait tous ça, c’était de la manipulation. Je leur montrais les astuces pour éviter de se faire réformer : ne pas mentionner qu’on est asthmatique ou qu’on consomme des drogues dures, LSD, cocaïne, héroïne. »

« On devait en recruter trois par mois sinon on subissait des intimidations et des humiliations. Le malaise montait en moi, mais j’étais coincé car j’étais gradé. Si je quittais l’armée, je me retrouvais sans formation, sans solde et fiché pour le restant de ma vie ». Jimmy Massey reste seul avec ses questionnements. Il se met à lire, à se documenter. J’ai alors compris que je participais à cette machination. Mais je ne pouvais en parler à personne et je ne pouvais plus faire marche arrière. »

Fournaise irakienne

« Pendant douze ans, j’ai vendu mon âme aux marines. Aujourd’hui, je veux la dédier à la paix. Depuis son retour d’Irak en 2003, l’ex-marine sillonne les Etats-Unis pour dénoncer la « sale » guerre. Cette semaine, il est venu en Suisse témoigner au FIFDH. « Si cela pouvait sauver des vies, j’irais jusqu’au pôle Nord. »

Le soldat Massey est parti dans la fournaise irakienne avec le premier contingent américain. « Ils nous ont dit qu’il s’agissait d’une mission humanitaire. Ils nous ont montré les stocks de médicaments et de rations alimentaires que nous allions distribuer sur place. Je les ai cru. »

« Dès que je suis arrivé là-bas, j’ai compris que nous n’étions pas là pour une mission humanitaire mais pour les gisements pétroliers » Trois mois passent, sa révolte monte jusqu’au jour... « On s’apprêtait à envahir Kerbala. J’ai demandé à mes supérieurs comment ils envisageaient de protéger les civils, j’ai dit qu’on était en train de perpétrer un massacre. Ils m’ont renvoyé aux Etats-Unis. »

De retour chez lui, Jimmy se retrouve sans le sou, incompris de sa famille de son entourage. « Heureusement, les vétérans du Vietnam m’ont accueilli et aidé. » Aujourd’hui, les mentalités changent, Jimmy Massey parvient à se faire entendre dans sa communauté. De plus en plus de monde se joint à lui et aux centaines de vétérans d’Irak pour que les boys rentrent à la maison.