Pamela Taylor - La réalisatrice australienne Olivia Rousset espérait que sa trilogie sur la torture et les abus dans la sinistre prison de Bagdad serait montrée un jour aux Etats-Unis pour aider le grand public à comprendre ce que le gouvernement est en train de faire en son nom.

Même s’il est peu probable que la « Trilogie d’Abu Ghraib » soit diffusée dans les grandes salles américaines, le fait que les images aient été montrées ailleurs a poussé le gouvernement américain à permettre aux journalistes américains et étrangers d’accéder à des images auparavant interdites, au nom de la Loi sur la liberté d’information.

Les nouvelles images sont encore plus choquantes que celles montrées à ce jour. De nombreux spectateurs ont affirmé qu’ils avaient trouvé difficile de regarder les scènes de dépravation sexuelle, terreur et torture infamante, et qu’ils avaient eu de la peine à croire que ces actes aient pu être commis par le pays qui se considérait jusqu’alors comme le porte-drapeau des droits de l’homme.

Dans la première partie de la trilogie, Rousset interviewe l’homme sous la cagoule noire et d’autres victimes de torture à Abu Ghraib. « Quel genre d’information pensent-ils pouvoir me soutirer en me faisant boire ma propre urine ? » demande l’homme, mentionnant le traitement le moins grave qu’il ait subi.

Le vent tourne aux Etats-Unis

La dernière partie de la trilogie, « Histoire d’un tortionnaire », livre un témoignage direct de deux soldats qui ont participé aux abus de Abu Ghraib. L’un est visiblement traumatisé par ce qu’il a fait, l’autre moins, mais il est clair que les deux obéissaient à des ordres reçus de leur hiérarchie, que ce soit les services de renseignement américains ou le Pentagone.

Lors du débat qui a suivi le film, Eric Sottas, de l’Organisation mondiale contre la torture, a estimé le vent était en train de tourner aux Etats-Unis.

« L’opinion publique américaine a changé depuis le 11 septembre. Au début les officiels américains essayaient de voir jusqu’où ils pouvaient aller dans la lutte contre le terrorisme. Aujourd’hui on assiste à une sorte de renversement de tendance et je suis sûr qu’un jour nous allons voir les auteurs de ces crimes, y compris au plus haut niveau, jugés par un tribunal américain. »

Dans le public, un jeune homme parlant arabe demanda si le fait de montrer des images aussi horribles n’allait pas pousser les extrémistes à accomplir encore plus d’actes de martyre.

Rendez-nous Saddam !

Samedi soir, le débat qui a suivi le film a été dominé par la trilogie d’Abu Ghraib, au point d’occulter deux autres documentaires projetés auparavant : « Bagdad, une histoire de médecins » et « Les jours de Badgad ». Cependant, ceux-ci étaient tout aussi éloquents.

« Bagdad : une histoire de médecins » donnait une vision particulièrement poignante et haletante de la vie quotidienne à l’hôpital Al Yarmouk, filmée par un médecin irakien anonyme. Il a présenté des images inédites de « l’horreur quotidienne » de la vie en Iraq, en suivant un médecin courageux dans ses tournées quotidiennes pour soigner aussi bien des chiites que des sunnites.

L’une de scènes les plus mémorables se déroule dans une ambulance, toutes sirènes hurlantes, qui transporte les victimes d’un attentat suicide. L’homme dit « Je n’arrive pas à croire que des Irakiens puissent faire ça à d’autres Irakiens. Mais d’où viennent ces gens ? ». Une femme chiite, couchée sur un brancard voisin, crie : « Rendez-nous Saddam ! La vie était bien meilleure avant ! »