Fulgence Zamblé, Abidjan - Composé de 33 membres, ce gouvernement d’union nationale est une équipe constituée des différentes forces politiques du pays, mais dominé par le Front populaire ivoirien (FPI), le parti du président Laurent Gbagbo au pouvoir, et les ex-rebelles (Forces nouvelles - FN) de Soro.

Le FPI dispose de onze postes ministériels, les FN, sept, tandis que le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ancien président Henri Konan Bédié et le Rassemblement des républicains (RDR) de l’ancien Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara, emportent chacun cinq portefeuilles et conservent les mêmes hommes que dans le gouvernement sortant de Charles Konan Banny.

Quatre ministères sont revenus à deux autres petits partis et un seul à la société civile, celui de l’Economie et des Finances, occupé par Charles Koffi Diby, qui assurait déjà cette fonction dans le précédent gouvernement en qualité de ministre délégué. Il a été confirmé à ce poste après un accord entre le chef de l’Etat et le nouveau Premier ministre, en raison de sa neutralité et de la qualité reconnue du travail qu’il avait déjà accompli.

Les autres ministères clés, comme ceux de la Défense et l’Intérieur sont revenus au camp présidentiel, la Communication et la Justice aux Forces nouvelles, la Diplomatie au PDCI et l’Agriculture au RDR.

"Nous avons neuf mois devant nous pour parvenir à la réunification du pays et à l’organisation des élections. C’est un gouvernement, nous le pensons, qui conduira la Côte d’Ivoire à la paix", a déclaré Soro, à l’issue du premier Conseil des ministres tenu samedi, à Abidjan, la capitale économique ivoirienne.

"Sans optimiste béat, nous osons croire que le pays est en train de retrouver la paix", a indiqué à IPS, Abraham Gadji, un juriste basé à Abidjan. "Nous avons maintenant nos cartes en main. Avec ce gouvernement, si les intérêts partisans se taisent, il n’y a pas de raison que les élections ne se tiennent pas comme prévu".

Selon lui, le désarmement et l’identification des électeurs doivent constituer les priorités de la nouvelle équipe gouvernementale. "L’accord de Ouagadougou a tracé les sillons des élections. Même si certaines modalités du désarmement et de l’identification ne sont pas explicites, nous pensons que le processus peut être entamé et va se dérouler normalement", a affirmé Gadji.

"Il y a des signes qui ne trompent pas. A la différence des précédents accords, celui de Ouagadougou a visiblement rencontré l’adhésion de tous", a ajouté Gadji. "Cela est de bonne augure et si la paix se présentait plus vite que prévue, ce sont les populations qui vont retrouver un nouveau souffle".

Le PDCI, par la voix de son secrétaire général Alphonse Djédjé Mady, a exprimé dimanche, à la radio nationale, son "soutien ferme et assure de sa disponibilité pour aider le gouvernement à mener à bien la mission qui lui est confiée".

Pour sa part, joint au téléphone par IPS, Amadou Gon, secrétaire général adjoint du RDR, s’est dit "convaincu que ce gouvernement, fruit de concessions mutuelles, est susceptible de mettre un terme aux souffrances du peuple de Côte d’Ivoire, et de lui ouvrir les voies d’une vraie réconciliation nationale". Il a ajouté : "Il n’y aura pas de sacrifices de trop, nous avons cette fois l’occasion de trouver nous-mêmes la voie de sortie".

Quant à Miaka Oureto, secrétaire général du FPI, il a affirmé que "Tous les rôles sont désormais répartis. Il reste à chacun des animateurs de s’investir corps et âme pour sortir de la crise".

Mais en dépit de toutes ces assurances, les gens de la rue et la société civile restent quelque peu sceptiques. "Qu’on le veuille ou pas, nous sommes dans un jeu politique", a indiqué Florence Ahizi, une étudiante en maîtrise de Lettres modernes, à l’Université de Cocody-Abidjan.

"Aujourd’hui, Gbagbo a repris ce qu’il avait perdu depuis Marcoussis (un accord de 2003 en France), à savoir la Défense et l’Intérieur. Alors, on pense qu’au moment des élections, il va laisser faire les choses !", dit-elle "Guillaume Soro a contenté ses hommes et ses soutiens, mais à bien y voir, la rébellion n’a rien gagné du tout. Qu’en sera-t-il lorsqu’elle s’en rendra compte ?", demande Ahizi.

Pour sa part, Serges Aka, membre de la Convention de la société civile ivoirienne, basée à Abidjan, a affirmé : "Ce gouvernement est issu d’un deal entre deux hommes" et, selon lui, les ministres viendront encore "se remplir les poches avant les élections. Nous n’attendons rien de cette équipe".

Depuis le 19 septembre 2002, la Côte d’Ivoire est divisée en deux par une rébellion armée qui occupe la moitié nord du pays. Les ex-rebelles estiment avoir pris les armes pour lutter contre l’exclusion présumée des populations de cette partie de ce pays d’Afrique de l’ouest.

Pendant plus de quatre années de crise, les ex-belligérants ont été séparés par une ligne de démarcation, appelée ’’zone de confiance’’, sous le contrôle des forces impartiales des Nations Unies et des soldats français de l’opération Licorne. Cette zone était le théâtre, depuis quelque temps, d’exactions de la part de soldats incontrôlés ou de grands bandits contre les populations qui y vivent ou tentent de la traverser.

Vendredi dernier, la Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire a indiqué qu’à partir du 16 avril prochain, "Nous allons entamer le démantèlement de la zone de confiance et nous positionner en observation". Plus tôt à la mi-mars, les autorités françaises avaient annoncé le retrait progressif de leurs troupes du pays, avec le départ de 500 premiers hommes.