Tonderai Kwidini/IPS, Harare - L’auteur, qui est également le fondateur du Théâtre ’Amakhosi Production House’, un centre culturel pluridisciplinaire installé à Bulawayo, la seconde ville du pays, est l’une des dernières victimes de la répression menée par le chef de l’Etat, Robert Mugabe, à l’encontre du monde artistique.

Au cours de l’année écoulée, plusieurs pièces de théâtre aux titres évocateurs, comme "Le journal du paradis" ou "Des super patriotes et des abrutis", ont été interdites sur les planches. Toutes avaient en commun la satire politique et sociale du pays.

La pièce "Le bon président" retrace les événements qui ont marqué l’histoire du Zimbabwe juste après l’indépendance, en 1980, en particulier l’opération "Gukurahundi" menée dans le Matabeleland. Selon les estimations, 20.000 personnes auraient trouvé la mort lors de ces massacres perpétrés dans le sud du pays, qui soutenait alors le dirigeant de l’opposition Joshua Nkomo.

Lors des premières représentations à Harare, la pièce a beaucoup fait parler d’elle, attirant la foule en suscitant le débat sur l’état du pays, en profonde crise sociale et économique depuis plusieurs années. Les médias zimbabwéens, qui reflètent l’opinion du gouvernement, l’ont qualifiée de "plaidoyer rédigé par des ennemis de l’Etat cherchant à changer le régime en place".

Dans cette œuvre, Mhlanga revient également sur des événements politiques plus récents et s’interroge notamment sur la manière dont le président Mugabe traite ses opposants, dont le chef de l’opposition Morgan Tsvangirai, fondateur du Mouvement pour le changement démocratique (MDC).

"La pièce s’adresse à tous les publics et est délibérément axée sur la suprématie politique en tant que ciment et mortier liant la société. Il s’agit d’une satire qui utilise l’humour, le ridicule, l’ironie et l’exagération pour critiquer les mauvais aspects de la société dans un style dramatique", indique le synopsis.

Pour les autorités, l’œuvre n’a toutefois aucun mérite national. "Elle cherche à agiter l’émotion et la haine dans le but de voir le président Mugabe destitué. Elle s’attaque directement à la personne du président", a déclaré le vice-ministre de l’Information, Bright Matonga.

Le dramaturge réfute cependant ces accusations et refuse de modifier sa pièce. "Comment voulez-vous que je modifie une pièce qui est basée sur des événements historiques et des incidents réels ? Ma créativité ne s’est pas fondée sur des événements fictifs", a-t-il souligné.

Pour le dramaturge, "on dirait qu’il est illégal de dire la vérité dans le pays, même si les faits sont là et que tout le monde peut les voir. La libre expression est un droit que personne, même pas l’Etat, ne peut nous enlever", a-t-il affirmé.

Il a ensuite indiqué que la situation actuelle du Zimbabwe n’avait rien de poétique ou lyrique. "Il n’y a rien de poétique dans un leadership politique qui célèbre la violence d’Etat. Des millions de personnes qui ne peuvent pas offrir au moins un repas convenable à leur famille et une économie qui subit une inflation au-dessus des 5.000 pour cent, tout cela n’a rien de poétique ou de lyrique", a-t-il répété.

"Le bon président" n’a pas été interdit lors des représentations données dans la capitale Harare. Selon le producteur du spectacle, des membres des services secrets zimbabwéens ont bel et bien assisté à la pièce, mais n’ont pas essayé de l’interdire. L’œuvre n’a été mise au ban que le mois dernier, lorsqu’elle a été jouée à Bulawayo, la seconde plus grande ville du pays.

L’auteur et son producteur ont interjeté appel de cette décision à la Haute cour de Bulawayo, en décidant de s’adresser à la Haute cour d’Harare, la capitale.

"Nous estimons que cette décision porte atteinte à notre liberté d’expression et que la pièce ne vise pas à dénigrer le président Mugabe. Nous ne nous laisserons pas intimidés et nous continuerons à écrire, à produire et à monter des pièces satiriques, contre vents et marées", a déclaré Daves Guzha, le producteur de "Le bon président".

Mhlanga n’en est pas à son premier coup d’éclat. L’an dernier, sa satire "Pregnant with emotion", littéralement "Enceinte avec émotion", qui raconte l’histoire d’un enfant refusant de venir au monde dans un pays en crise, lui avait valu une interpellation et un interrogatoire de la police.

Sa dernière pièce a donc rejoint la longue liste d’œuvres artistiques interdites par le Bureau de la censure du gouvernement, dont la base juridique est un texte de loi datant encore de la période coloniale, le ’Censorship and Control Act’ de 1967.