Le tirage au sort a compensé un score moyen. La Suisse, qui a été élue mardi au nouveau Conseil des droits de l’homme en quatrième position sur sept, dans son groupe Europe occidentale-Amérique du Nord, a reçu ensuite un coup de pouce du destin. La loterie d’après-vote lui a accordé un mandat de trois ans, plutôt que deux ou une seule année.

En fait, le pays hôte du Conseil est à peu près assuré de rester six ans sur son siège, puisque le mandat est renouvelable une fois dans la foulée du premier. Cette irruption du hasard a pour but de mêler, dans l’institution, la permanence et le renouvellement.

Les trois sièges qui étaient encore vacants pour l’Europe de l’Est ont été attribués en deux tours de scrutin supplémentaires à l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Roumanie. Les Etats-Unis (même groupe que la Suisse), qui ont snobé cette première élection parce que le Conseil leur semble trop mou, pourraient être candidats plus tard.

L’année prochaine, ce sera difficile. Il faudrait que la Finlande ou les Pays-Bas (mandat d’un an) se retire pour les beaux yeux américains. En 2008, ce sera plus facile.

A Genève, tout reste à construire, dès le 19 juin, comme le dit Micheline Calmy-Rey. La naissance du Conseil des droits de l’homme, dont la première ébauche avait été dessinée par le professeur Walter Kälin, est pourtant une belle réussite diplomatique. Elle est aussi la preuve que la Suisse, en moins de quatre ans, a réussi sa percée au sein de l’ONU.

L’appartenance de plein droit aux Nations unies ouvre la voie aux élections et à la participation aux organes de proposition et de décision de l’organisation. Un tableau complet de l’infiltration suisse dans la grande machine serait fastidieux. Il suffit de quelques exemples pour en mesurer l’ampleur.

L’ambassadeur Peter Maurer, chef de la mission à New York, codirige depuis cette année le travail de l’ONU sur l’environnement. Walter Kälin lui-même est devenu le représentant spécial de Kofi Annan pour la question des « réfugiés de l’intérieur », dont le Darfour est le plus tragique exemple.

Nicolas Michel est sous-secrétaire général chargé du droit. Cet ambassadeur avait joué un rôle crucial dans les discussions qui ont abouti à la création de la Cour pénale internationale.

A New York, le négociateur suisse était Valentin Zellweger, qui est devenu le chef de cabinet du président du tribunal. Stefano Toscano est le vice-président de la 2e commission de l’Assemblée générale, qui traite du développement. Heidi Tagliavini est la représentante spéciale de Kofi Annan pour la Géorgie.

Rachel Groux fut vice-présidente de la 3e commission de l’Assemblée, avant de conseiller le Suédois Jan Eliasson, qui a mené la négociation du Conseil des droits de l’homme. Des Suisses ont d’autres responsabilités dans le droit des enfants, la désertification et les forêts, les armes légères, etc.

Après la grande secousse de la guerre d’Irak et de la corruption du programme « Pétrole contre nourriture », le fonctionnement même de l’ONU est au cœur des débats de l’organisation.

Pas de directoire mondial

La Suisse a lancé ce printemps une initiative pour tenter de rééquilibrer les pouvoirs entre l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. L’Américain John Bolton, à demi-mot, s’est demandé de quoi se mêlait ce nain. Il le sait maintenant : la Suisse n’accepte pas que le Conseil dérive vers une sorte de directoire mondial, hors du contrôle des autres Etats, appelés à appliquer des décisions auxquelles ils n’ont aucune part.

Cette initiative a déjà des résultats : le Conseil discute régulièrement avec l’Assemblée de la recherche d’un successeur à Kofi Annan, ce qui n’arrivait jamais auparavant.

Mais le dossier le plus chaud, aujourd’hui, c’est la réforme du secrétariat et de la gestion de l’organisation. Kofi Annan a fait des propositions pour renforcer les pouvoirs du secrétaire général et rendre plus fluide le management.

L’Assemblée, sous la pression des pays du tiers-monde, vient de refuser ce paquet, dans lequel ils voient la trop lourde main des pays riches (et des Etats-Unis) pour transformer l’ONU comme ils l’entendent.

Washington exerce un chantage financier pour imposer cette réforme. Pour des diplomates entreprenants, il y a encore du grain à moudre !