Adrien-Claude Zoller, président de ’Genève pour les droits de l’homme’, un organe indépendant de formation des défenseurs des droits humains, éclaire les principaux enjeux de la réforme controversée. Interview.

swissinfo: Au début de son premier mandat, Kofi Annan voulait placer les droits humains au cœur des Nations Unies. Est-ce que cette idée perdure?

Adrien-Claude Zoller: Elle perdure très nettement. L’ONU repose aujourd’hui sur trois piliers: la sécurité, le développement et les droits de l’homme. Et Louise Harbour, haut commissaire aux droits de l’homme, participe à toutes les actions de coordination menée par le secrétariat des Nations Unies.

Mais celles-ci restent une organisation d’Etats et nombre d’entre eux continuent de violer les droits humains.

Résultat: ces dernières années, de moins en moins d’Etats étaient prêts à voter des résolutions condamnant des pays, suite à des massacres ou d’autres formes graves de violations des droits humains.

Or, le futur Conseil des droits de l’homme fait face à la même difficulté, puisqu’il sera constitué par les Etats dont certain se feront élire pour justement éviter de se faire critiquer ou condamner. La manière et les conditions de l’élection des Etats au sein de ce Conseil sont donc des questions très sensibles.

Que faut-il garder de l’actuelle Commission des droits de l’homme?

Les procédures spéciales de la Commission permettent plus ou moins de surveiller le respect par les Etats de leurs engagements. Elles constituent également une source unique et, le plus souvent, objective d’informations pour les Nations Unies afin de juger d’une situation dans un pays donné.

Ainsi, le rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme visite actuellement la Suisse et son rapport, croyez-moi, n’aura rien de complaisant.

Ce qu’on va perdre, avec le prochain conseil, se sont les résolutions qui condamnent les Etats. Mais de toutes façons, ces condamnations étaient en perte de vitesse.

Cela dit, avec un conseil qui aura plus de compétence et qui se réunira régulièrement tout au long de l’année, il sera possible de rebâtir un outil puissant.

L’idée de ce Conseil des droits de l’homme a été lancée par la Suisse. Sa diplomatie défend-elle bien ce dossier?

Comme toute idée novatrice et généreuse, cette idée a, dans un premier temps, été fortement attaquée. Et ce par tous les Etats qui ne respectent pas les droits de l’homme.

Tant à Genève qu’à New York, les diplomates suisses ont fourni un excellent travail et ils ont su trouver des appuis dont les plus déterminés viennent d’Amérique latine. Les Latino-Américains sont les seuls à dire que, sans les procédures spéciales de la commission des droits de l’homme, les dictatures latino-américaines seraient toujours en place.

L’Europe, elle, a bien sûr une tradition en matière de droits de l’homme. Mais en cherchant à s’exprimer d’une seule voix, l’Union européenne défend le plus petit dénominateur commun, qui tient compte de plus en plus de ses intérêts économiques. Résultat: ces dernières années, son rôle a diminué au sein de la Commission des droits de l’homme.

Y a-t-il un risque que le futur Conseil des droits de l’homme quitte Genève?

Pas dans un premier temps, car Genève abrite un grand nombre d’organisations humanitaires ou de défense des droits humains. Mais dans quatre ou cinq ans, cette option n’est pas exclue.

C’est en effet à ce moment là que l’ONU procédera à un ajustement et adoptera le statut définitif du Conseil des droits de l’homme. S’il devient l’un des organes principaux de la charte des Nations Unies au même titre que le Conseil de sécurité ou que l’assemblée générale des Nations Unies, la question de son déménagement à New-York (siège politique de l’ONU) risque de se poser.

Interview Frédéric Burnand (swissinfo)