Comme l’opposition, l’ONU réclame que Damas reconnaisse pleinement l’indépendance libanaise

A Damas, il recevait chez lui sans se cacher. De toute façon, surveillé jour et nuit pendant des années, emprisonné à de nombreuses reprises, l’opposant syrien Michel Kilo connaissait parfaitement les risques encourus. Kilo, 66 ans dont cinquante passés en luttes politiques, a été arrêté dimanche dernier avant d’être amené dans un centre de détention secret. Depuis lors, au moins six autres opposants, dont le militant des droits de l’homme Anouar Bounni, ont également été arrêtés.

Point commun entre ces diverses personnes : elles ont toutes signé, aux côtés de centaines d’autres intellectuels syriens et libanais, une déclaration diffusée à Beyrouth appelant Damas à « délimiter ses frontières » avec le Liban et à procéder à l’échange d’ambassadeurs. En clair, elles exigent de la Syrie qu’elle reconnaisse pleinement l’indépendance du Liban.

Une opposition qui relève la tête

Voilà plusieurs mois que l’opposition syrienne donnait à nouveau de la voix. Deux éléments l’ont encouragée : l’espace ouvert par l’apparition d’Internet, ainsi que la montée de la contestation anti-syrienne au Liban après l’assassinat de l’ex-premier ministre libanais Rafic Hariri.

Toutefois, la pétition de Beyrouth a été particulièrement mal perçue par le pouvoir syrien : le texte anticipait en effet celui d’une résolution que vient d’adopter le Conseil de sécurité des Nations unies. Une résolution soutenue par 13 pays sur 15 (seules la Chine et la Russie se sont abstenues) et aussitôt rejetée avec la dernière énergie par Damas.

Pression croissante sur la Syrie

Même si les Nations unies n’ont pas utilisé jusqu’ici la carte des sanctions, la pression s’accroît d’un cran sur le régime. « La Syrie doit prendre au sérieux les résolutions du Conseil de sécurité. C’est un message clair », menaçait John Bolton, l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’ONU.
Jusqu’ici, la Syrie a toujours refusé de tracer une frontière précise avec le Liban. Elle tire prétexte de ce flou pour soutenir la poursuite de « la résistance » du mouvement du Hezbollah (la seule milice libanaise à avoir refusé de désarmer), face à l’occupation israélienne de quelques hameaux, situés dans le secteur dit des Fermes de Cheeba.

Chrétien, ancien communiste, Michel Kilo est un opposant d’autant plus embarrassant pour le régime syrien qu’il défend, comme lui, un point de vue arabe, laïc et socialiste. « Nous ne nous voyons pas comme une opposition, mais comme un mouvement patriotique qui peut aider le pays à se débarrasser de son idéologie totalitaire, expliquait-il récemment au Temps. Nous sommes tous partenaires. Il faut réconcilier la société avec son régime. »