Frédéric Burnand/swissinfo, Genève - Le calvaire vécu par Ingrid Betancourt – l’otage franco-colombienne détenue par les rebelles des FARC depuis 6 ans – est le symbole le plus visible de la violence qui continue de frapper la Colombie. Un pays en guerre depuis 45 ans.

Actif en Colombie depuis 1969, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) met en lumière dans son rapport annuel sur la Colombie l’une des conséquences humanitaires majeures de ce conflit : les déplacés, ces réfugiés de l’intérieur.

Selon les estimations avancées par l’organisation humanitaire, ils seraient actuellement entre 2 et 3,5 millions à avoir fui leur lieu de vie suite aux combats, aux mines, aux menaces de mort ou aux pressions pour collaborer avec l’une ou l’autre des forces qui s’affrontent, essentiellement aujourd’hui les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) de plus en plus affaiblies et les forces gouvernementales.

L’impact du conflit

« Il y a une relative amélioration de la sécurité. Mais le conflit continue », souligne Yves Heller, porte-parole du CICR en Colombie.

« Nous constatons un accroissement des déplacements individuels (moins de 50 personnes) provoqués le plus souvent par des menaces et des pressions. Mais depuis le début de cette année, nous avons également assisté à des déplacements massifs, notamment dans l’Etat de l’Arauca, le long de la frontière vénézuélienne. Nous constatons aussi une légère augmentation des exécutions sommaires », relève Yves Heller, tout en précisant que le CICR n’a pas une vision exhaustive de l’impact du conflit.

Pas de chiffres définitifs donc, mais une réalité implacable. Comme le rappelle le CICR, la fuite des déplacés signifie qu’ils abandonnent à la fois leur lieu de vie et leurs biens, pour se retrouver le plus souvent dans les quartiers misérables des villes colombiennes, autrement dit « dans des conditions de vie extrêmement difficiles », selon l’expression pudique de Yves Heller.

Vulnérables et méprisés

Le rapport pointe également la souffrance particulière des plus vulnérables : les Afro-Colombiens, les peuples indigènes et les personnes les plus pauvres. Le CICR précise encore que plus de la moitié de ces déplacés sont des enfants (moins de 18 ans) et que la plupart des déplacés ne rentrent jamais chez eux.

L’agence humanitaire rapporte par exemple le témoignage d’une mère de trois enfants : « Mon mari, qui était pêcheur, n’a toujours pas retrouvé un travail. Ce qui l’a plongé dans une très grave dépression. Cette situation a provoqué d’autres problèmes familiaux qui sont difficiles à gérer. Les déplacés sont considérés avec mépris. C’est humiliant. »

Raison pour laquelle le CICR pousse le gouvernement colombien à s’investir d’avantage dans la prise en charge des personnes déplacées, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé. « Les programmes de l’Etat se sont améliorés », assure d’ailleurs Yves Heller.

Reste que le CICR a dû « augmenter de manière importante son soutien à ces personnes et mettre en place des projets dans le domaine de l’agriculture et de l’approvisionnement en eau », selon le rapport.

« Le silence que gardent de très nombreuses victimes du conflit armé va de pair avec leur faible visibilité sur le plan international et leur présence dans les médias, constate le CICR. Il est évident que l’ampleur réelle des effets du conflit armé en Colombie n’est pas encore connue. »