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Incertitude pour le grand examen des pays

Seize pays s’apprêtent à passer dès lundi l’examen périodique universel (UPR). Inquiétudes chez les premiers à essuyer les plâtres de cette toute nouvelle procédure. En tête de liste, le Bahreïn se présente avec une délégation de 27 personnes.

Carole Vann / Tribune des droits humains - Pour la première fois dans l’histoire de l’ONU, les pays membres vont être examinés chacun à son tour sur le respect des droits humains chez eux.

La session inaugurale de cet examen périodique universel (UPR), la grande nouveauté du Conseil des droits de l’homme, démarre ce lundi. Durant deux semaines, seize délégations – Bahreïn, Equateur, Tunisie, Maroc, Indonésie, Finlande, Royaume-Uni, Inde, Brésil, Philippines, Algérie, Pologne, Pays-Bas, Afrique du Sud, République tchèque et Argentine – vont être passés au peigne fin par les 47 membres du Conseil. Une troïka composée de diplomates de trois pays tirés au sort est chargée de faciliter chaque examen et d’établir le rapport sur le pays examiné.

Or ces derniers jours, un vent de panique a soufflé au sein de l’ONU. Alors que ce nouvel exercice est censé pallier aux déficiences de l’ancienne Commission des droits de l’homme, en mettant tout le monde sur un pied d’égalité, une grande confusion règne en réalité sur la marche à suivre.

Ainsi vendredi, le président du Conseil des droits de l’homme, Doru Costea, trouvait à son réveil une lettre signée par les groupes des pays africains, arabes et de l’Organisation de la conférence islamique, demandant que chaque étape de la procédure soit verrouillée à l’avance et surtout interdisant que les séances – pourtant publiques – soient filmées.

Une réunion d’urgence a alors été convoquée. Il a fallu rappeler que les archives filmées constituent un outil de travail capital pour les petits pays qui n’ont pas les moyens de dépêcher des diplomates sur place.

Quant à la procédure, Doru Costea a expliqué qu’il était impossible de tout prévoir à l’avance et qu’il faudrait un à deux ans que ce nouvel examen trouve ses marques. Mais plusieurs ONG voyaient dans ces débats houleux une nouvelle tentative de certains pays, ceux-là même qui voulaient supprimer les rapporteurs spéciaux, d’affaiblir tout ce qui ressemble à un examen de droits de l’homme chez eux.

L’inquiétude est marquée chez les premiers pays à essuyer les plâtres de ce nouvel exercice. En tête du peloton, le Bahreïn s’est doté d’une délégation de 27 membres, dont plusieurs ministres, pour le grand passage. En face, les militants et opposants au régime sont aussi venus en force à Genève pour dénoncer les violations des libertés chez eux.

Mais une mauvaise surprise a attendu les représentants de sept ONG du Bahreïn, abrités sous le parapluie de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), alors qu’ils demandaient vendredi à rencontrer les membres de la troïka – Slovénie, Grande-Bretagne, Sri-Lanka – chargés d’évaluer leur pays.

« Nous avons eu un choc quand le président du Conseil, M. Costea, nous a répondu qu’il nous fallait obtenir l’autorisation de notre gouvernement, explique Nabil Rajab, vice-président du Centre pour les droits de l’homme de Bahreïn. Jamais un pays comme le nôtre ne va nous donner un tel feu vert ! » Même s’ils ont pu transmettre leur rapport, les défenseurs des libertés du Bahreïn n’ont donc pas pu s’entretenir avec les trois pays chargés d’évaluer leur propre gouvernement. Ils ont en revanche appris que de « fausses ONG », agréées par la délégation bahreïnie, rencontreraient la troïka ce lundi, juste avant l’examen.

Précisions de Doru Costea

En réaction à l’article "Incertitude pour le grand examen des pays" paru le 7 avril sur Tribune des droits humains et dans le quotidien Le Temps, le président du Conseil des droits de l’homme, Doru Costea, précise qu’il n’a jamais répondu aux militants du Bahreïn qu’ils devaient avoir l’autorisation de leur gouvernement pour rencontrer les délégations de la troïka chargée d’évaluer leur pays.

Cette rectification de M. Costea répond à une affirmation de Nabil Rajab, vice-président du Centre pour les droits de l’homme de Bahreïn, qui raconte en fin d’article : "Nous avons eu un choc quand le président du Conseil, M. Costea, nous a répondu qu’il nous fallait obtenir l’autorisation de notre gouvernement."

Toutefois, les défenseurs des libertés au Bahreïn n’ont bel et bien pas pu s’entretenir avec la troïka avant l’examen. Le veto venait-il alors directement de leur propre pays ou des délégations de la troïka ?

Carole Vann