« ...Et on donne trois ans à de tels régimes pour défendre et promouvoir les droits de l’homme dans le monde ! Vraiment pas sérieux », assène Mohamed Zitout, porte-parole de Al-Karama à Londres. Cette association panarabe, forte de 7’000 membres, a été créée en 2003 à Genève. Elle est intervenue des centaines de fois auprès de l’ONU pour dénoncer des cas de tortures.

Zitout dénonce aussi l’Algérie : « Quinze mille disparus et des milliers de personnes torturées avec des méthodes immondes : électricité, violences sexuelles ou système du chiffon (consiste à gaver la personne d’une eau chargée de matières fécales. »

Il enchaîne : « Et l’Arabie saoudite ! Arrestations arbitraires, détenus torturés et parfois tués. Depuis les années 1960, on enferme tous ceux qui ne partagent pas le point de vue du royaume wahabite, ceux qui n’acceptent pas la présence militaire américaine dans le Golfe. C’est bien pire depuis le 11 septembre 2001. »

« Tous les Etats arabes violent les libertés »

Aujourd’hui, avec d’autres ONG arabes, Al-Karama clame haut et fort sa déception. Dans une conférence organisée lundi à Genève, des défenseurs des libertés en Syrie, en Libye, en Afrique du Nord et dans les pays du Golfe ont dénoncé les politiques répressives de leurs gouvernements.

Tous les Etats arabes violent les libertés, insistent-ils. Comment se fait-il donc que six d’entre eux - Arabie saoudite, Algérie, Bahreïn, Jordanie, Maroc, Tunisie - soient membres du nouveau Conseil des droits de l’homme ? « C’est comme si on faisait appel à des criminels notoires pour faire la police dans le monde », compare Zitout.

Façade démocratique

Et les militants de rappeler qu’une façade démocratique peut cacher une sévère répression comme au Maroc, en Tunisie, en Jordanie ou au Bahreïn. Mais, poursuivent-ils, les paradoxes ne sont pas l’apanage de l’ONU.

Exemple : « l’incroyable métamorphose » de la Libye. « Comment est-il possible que ce régime, considéré il y a quelques années comme l’un des pires pays terroristes, soit devenu un ami de l’Occident ? On lui change sa réputation alors que ses citoyens sont toujours maltraités », s’insurge Khaled Mesrati du Comité libyen Vérité et Justice.

Déçus mais pas vaincus. Les militants arabes se disent partagés. Entre l’espoir de voir naître un nouvel organe et le choc de voir sa composition. « On est en train de répéter les mêmes erreurs de la Commission des droits de l’homme, avertit Zitouni. Même s’il y a la possibilité de suspendre les Etats tortionnaires au sein du Conseil, nous savons beaucoup de doutes sur son application. »

Jouer le jeu, mais sans illusion

« Nous ne nous faisons aucune illusion : les pays arabes viennent squatter le Conseil. Mais nous allons quand même jouer le jeu », promet le militant arabe.

« Nous allons faire semblant de croire qu’il est possible de recourir à ces mécanismes. Chaque fois que nous aurons des cas de torture, nous allons continuer à les soumettre aux rapporteurs spéciaux. Même si la plupart de nos pays n’ont pas ratifié les pactes internationaux. Même si ceux qui l’ont fait - comme l’Algérie ou la Libye - ne les respectent pas. »