Monde

Doudou Diène, rapporteur frustré

Doudou Diène, rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, remet en cause le système des enquêtes sur le terrain. Il demande aux ONG d’être plus critiques et créatives pour mieux l’aider. Son plan d’attaque pour un travail plus efficace.

"Les procédures spéciales ne sont ni sacrées, ni intouchables » affirme le Sénégalais Doudou Diène, alors qu’il en est lui-même rapporteur spécial aux Nations Unies. Il s’exprimait librement lors d’une réunion informelle avec d’importantes ONG.*

Pour les non-initiés : les procédures spéciales sont les enquêtes de terrain de l’ONU, autorisées par un Etat accusé de violer les droits humains sur son sol. Si l’Etat « violateur » refuse (par exemple Cuba), l’enquête est impossible.

Selon Doudou Diène, il faut profiter du nouveau Conseil pour repenser entièrement le concept des procédures spéciales, et ne pas se contenter de quelques retouches par-ci par-là.

« Ce serait comme parler du pied de l’éléphant, puis de ses oreilles, puis de sa queue pour finalement s’apercevoir que l’on a un monstre en face de soi » métaphore le Sénégalais. Monstre, car il y a danger. Aujourd’hui deux tendances coexistent : celle qui veut améliorer l’efficacité du Conseil des droits de l’homme, et celle qui remet en cause des droits fondamentaux que l’on croyait acquis. Depuis le 11 septembre, la torture redeviendrait-elle admissible dans certaines circonstances ?

Bref, Doudou Diène se dit politiquement isolé et avoue qu’il a besoin d’un soutien critique et créatif de la part des ONG.

Ses propositions :

Renforcer l’indépendance du rapporteur. « Nous ne sommes ni fonctionnaires, ni diplomates ». Il faut renforcer leur indépendance. Actuellement, ce sont les gouvernements qui proposent des noms pour les mandats des procédures spéciales, ce qui revient à dire que, selon Diène, « le verre est déjà dans la pomme ».
Sa solution. Eplucher les CV et la carrière éthique des candidats. Que la société civile propose aussi des noms : « Car gouvernements et ONG doivent jouir des mêmes possibilités. »

Des visites démocratiques. « J’ai souvent ressenti des sentiments de frustration, car pour se rendre dans un Etat accusé de violations de droits de l’homme, l’ONU doit obtenir l’autorisation de ce même Etat et les démarches sont souvent très longues. »
Sa Solution. Démocratiser le système en proposant que la demande de visite soit soumise au gouvernement, mais aussi à la société civile.

Un programme moins officiel. « J’ai aussi été frustré par le programme imposé aux mandataires ». Les gouvernements ont, selon lui, pour stratégie de surcharger le plan de visite du rapporteur spécial de sorte qu’il n’ait plus une minute pour voir l’autre côté du miroir.
Sa solution. Créer un équilibre entre les propositions officielles et celles des ONG.

Un rapport équitable. « Sur le terrain la situation est dramatique et nous faisons naître des attentes profondes chez les victimes de violations de droits de l’homme ». Or le rapport, avant d’être officialisé, passe à la correction du gouvernement accusé. Et celui-ci, s’il rectifie légitimement des erreurs de date et de noms, rectifie aussi les éléments concernant les ONG. Le rapport est alors vicié.
Sa solution. Que la société civile et les victimes, aient le même droit de regard sur le rapport.

Un suivi efficace. Actuellement, les rapporteurs spéciaux font leur rapport mais sans suivi. « Le rapport n’est qu’une construction abstraite. Déjà mort et enterré. »
Sa solution. Que le Conseil décide d’un suivi de la situation, sur deux ans, par le gouvernement, mais aussi par la société civile. « Il faut revenir à la charge », affirme-t-il sans ciller.

Cette démarche semble s’inscrire dans la nouvelle culture du Conseil : celle d’un partenariat plus rapproché entre ONU et ONG.

Rapporteur sur le racisme (anglais) :

*« Spécial procedures and their relationship with Human rights Council », meeting informel tenu jeudi 22 juin en parallèle de la première session du Conseil des droits de l’homme, de 13 à 15h. Organisé par le Service international pour les droits de l’homme, Human Rights Watch, la Commission internationale des juristes, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, l’Organisation mondiale contre la torture.