Tomas Alarcon est un Indien des Andes en costume traditionnel. C’est aussi un avocat péruvien. C’est encore le président de la Commission juridique pour le développement des peuples originaires des Andes. C’est enfin un militant de terrain qui informe les communautés de leurs droits.

Cette année, il suit au Conseil des droits de l’homme à Genève l’adoption de la Déclaration des peuples autochtones et prend la parole le lundi 26 juin. Tomas Alarcon a le regard perçant de l’homme qui n’a qu’une cible.

Pendant votre séjour, où logez-vous ?

Dans les bois. La première fois en 1993, je dormais dans une tente plantée dans les bois à l’extérieur de la ville car c’est interdit dans le parc de l’ONU. Le prix d’une chambre d’hôtel représentait 2 mois de salaire. Il pleuvait et j’avais froid.

Un groupe d’étudiant m’a trouvé et a imaginé le principe d’une maison d’accueil. En attendant, une association suisse, Incomindos, m’a aidé : j’ai pu dormir deux ans de suite dans un foyer de réfugiés au Lignon.
En 1997, Mandat International existait et m’a hébergé. Ce sont des chambres de huit personnes. Et cette année, je suis avec un étudiant africain. Les prix augmentent : la nuit coûtait 7fr en 1997 et 20fr. aujourd’hui. A part ça, c’est encore dans les bois.

Est-ce trop cher pour vous ?

Ce n’est plus une question d’argent comme au début. Mandat International accueille toutes sortes de gens. Moi, je voudrais une maison pour les peuples autochtones. Une maison gérée par nous-mêmes et non par des Suisses. Ce serait la mission diplomatique autochtone. Mais Genève refuse le projet.

Comment se déroule votre journée ?

Je me lève à 6h car Mandat International est loin de l’ONU. À 7h, petit déjeuner. A 8h une camionnette nous conduit au Palais des Nations pour 8h30. La sécurité me regarde bizarrement quand je suis en costume traditionnel. Mais en costume cravate, je passe tout droit. Ainsi j’ai l’impression de faire leur éducation, de leur ouvrir les yeux, au sens littéral et figuré.

Je passe la porte 40, je vais à la bibliothèque travailler sur l’ordinateur et consulter l’agenda du jour. A 10h, je vais à la session du Conseil. Je m’intéresse aux droits des peuples autochtones car les autres sujets sont trop pour moi, c’est gigantesque. Cela dit, c’est bien de voir ce qui se passe dans le monde. A midi, je mange à la cafétéria avec des délégués d’ONG et on travaille. Ceux des gouvernements doivent être dans l’autre restaurant, plus cher, tout en haut.

Avez-vous des contacts avec les officiels ?

Au début, ils ne nous regardaient pas. Maintenant, nous leur parlons 5 à 10 minutes dans le couloir. Nous les avons éduqués par notre patience et notre raison.

Prenez-vous la parole au Conseil ?

J’ai déjà parlé une vingtaine de fois à l’ONU. Ce n’est pas difficile car je suis avocat. Et pour me préparer, je visite le Musée d’histoire naturelle ! Regarder les animaux me ressource spirituellement. Lundi, nous défendons la Déclaration sur les peuples autochtones. Nous avons confiance dans les Européens - même si notre réalité crûe, nos communautés marginalisées et exploitées, les choque.

Et le reste de votre journée ?

On écoute les discours jusqu’à 18h. A 18h30, la camionnette nous ramène à Mandat International. A 18h45, j’ouvre la porte de ma chambre et je mets un short et un t-shirt. Je médite, je réfléchis. A 21h, je mange, puis je me couche car je suis fatigué à cause du décalage horaire.

Vous ne sortez jamais en ville ?

Non, car je trouve que les gens sont trop indifférents. Mais à Lima, c’est pareil.

N’êtes-vous pas indifférent, vous aussi ?

Je ne sais pas.

Et le week-end ?

Je fais la lessive à la main car je ne sais pas utiliser la machine à laver. C’est mon habitude. Une année, j’ai fait un tour avec un bus touristique et j’ai mangé une raclette. Mais je prèfère méditer dans ma chambre."

Deux militants indiens s’assoient à notre table au Bar Serpentine pour discuter. Mais Tomas Alarcon n’a qu’une idée en tête : son voyage spirituel au musée d’histoire naturelle. Il se lève et disparaît.

Mandat international (accueil ONG)

Commission juridique pour le développement des peuples originaires des Andes

E-mail : capajwiracocha@star.com.pe