A la trappe le Darfour, les droits de migrants et des défenseurs des libertés. Ces questions, pourtant cruciales, ont été sacrifiées sur l’autel de la cause palestinienne et d’un projet de résolution contre la haine raciale et l’intolérance religieuse.

Et c’est là un bien mauvais point pour le nouveau Conseil qui a pourtant fait un démarrage en beauté. En effet, tout le monde, que ce soit du côté des ONG ou des Etats, a salué le nouvel esprit de dialogue qui régnait durant ces deux semaines de négociations. « Les pays occidentaux semblent faire un réel effort pour se rapprocher des pays du Sud et ne pas les juger d’office, a même reconnu l’ambassadeur cubain. Le niveau des débats s’est élevé et a dépassé les récriminations et les confrontations qui minaient tellement l’ancienne Commission. »

A prendre ou à laisser

Le président Alfonso de Alba aurait sûrement souhaité clore la première session avec ce même panache. Il avait d’ailleurs préparé une déclaration contenant les cinq derniers points à adopter vendredi après-midi : Darfour, migrants, défenseurs des libertés, Palestine, suivi de Durban (racisme et intolérance religieuse).

« Le paquet était à prendre ou à laisser, explique un diplomate européen. M. De Alba avait vraiment ficelé l’histoire avait beaucoup de doigté. Mais voilà, c’est tombé à l’eau. Et, du coup, on ne peut même pas déposer une résolution pour le drame du Darfour. Ce qui se passe là-bas est épouvantable. C’est un échec pour les droits de l’homme ».

Tout a basculé ce vendredi après-midi quand les pays arabes et islamiques, soutenus par leurs alliés, ont refusé le paquet du président. Ils ont demandé des résolutions - ce qui implique des votes - séparées pour la question palestinienne et l’intolérance religieuse.

A partir de là, le ping-pong politique a prévalu : « M. le président ! Il est regrettable qu’un groupe particulier de pays prennent en otage le Conseil sur des questions essentielles, a lancé l’ambassadeur israélien. Ce texte est déséquilibré... Les Palestiniens n’ont pas le monopole du statut de victimes... Si on vote cette résolution, on tombera directement dans les habitudes du passé ».

Et l’ambassadeur palestinien : « En l’écoutant, on aurait pu croire que c’est la Palestine qui a occupé Israël. Nous voulons être libres, nous aussi... Vous êtes ici habillés en costards dans des salles climatisées. Combien d’entre vous supporteriez de vivre sans eau ni électricité ni médicaments ? »

Une rhétorique digne de cette salle

De Alba a cru bon calmer cette rixe verbale, chargée de ressentiment, en priant les orateurs de « conserver une rhétorique et un comportement digne de cette salle. » Puis les Etats ont voté pour la résolution palestinienne qui demande la visite en septembre d’un rapporteur spécial sur place. Résultat : 29 oui contre 12 non et 5 abstentions.

« Ce vote ne correspond pas à l’objectif que le Conseil s’est fixé, a alors immédiatement déclaré l’ambassadeur suisse (qui a voté contre la résolution). Nous devions procéder par consensus. Il est regrettable qu’un compromis n’ait pas été trouvé en faveur de la déclaration du Conseil. Notre opposition n’est pas sur la substance mais touche à la procédure suivie. » Les pays arabes ont, par ailleurs, demandé une séance extraordinaire sur la Palestine dans les délais les plus rapides.

Le vote sur la haine raciale l’a aussi emporté (33 oui contre 12 non et 1 abstention). « Cette victoire du groupe des pays arabes et islamiques pour des drames certes légitimes nous laisse toutefois songeurs... C’est un système des droits de l’homme à deux vitesses qui se remet en place », lâche un autre diplomate. Le rendez-vous est déjà pris pour la prochaine session qui aura lieu du 18 septembre au 6 octobre 2006.