La Birmanie serait-elle en voie de démocratisation ? L’étau de la junte pourrait-il enfin se desserrer ? Les journaux ont abondamment parlé d’une amorce de dialogue entre la prix Nobel Aung San Suu Kyi et la branche modérée des militaires. Toutefois, les opposants appellent à la prudence. Pour eux, la communauté internationale doit continuer à maintenir la pression sur le régime birman. Danièle Mitterrand n’a pas hésité à répondre à l’appel. A l’occasion de la Commission des droits de l’homme qui se déroule ce mois à Genève, elle est venue hier en personne, avec l’Irlandaise Mairead Maguire, prix Nobel 1976, pour transmettre à Mary Robinson une pétition demandant l’abolition du travail forcé en Birmanie.

Au cours de ces 10 dernières années, les militaires ont contraint plus de trois millions de Birmans, dont des femmes et des enfants, au travail forcé durant des semaines, voire des mois. Beaucoup en sont morts. Les 12’000 signataires appuient la décision prise en juin 2000 par la Conférence Internationale du Travail et demandent aux gouvernements, employeurs, syndicats, organisations internationales, agences de voyages et touristes de reconsidérer leurs relations avec la Birmanie. Par ailleurs, la Commission a adopté mardi une résolution sans vote de la part des 53 Etats membres se déclarant « préoccupée » par la « politique systématique du gouvernement de Myanmar consistant à persécuter l’opposition démocratique ».

De son côté, l’Association Suisse-Birmanie a installé dans l’espace mail de Balexert une étonnante exposition intitulée « Birmanie, des larmes au sourire ». Le visiteur, d’abord intrigué par l’aménagement insolite et étrange de l’espace, est amené à découvrir la terreur qui se cache derrière « le calme et la sérénité birmane ». Un reportage vidéo de 55 minutes qui se déroule en non-stop raconte, avec de nombreux témoignages, comment la population – femmes, enfants, vieillards compris - est forcée à « apporter sa contribution » à l’édification des autoroutes et des hôtels pour touristes. L’Association Suisse-Birmanie vient aussi de publier, avec Action Birmanie (Belgique)
et Info Birmanie (France), un guide alternatif sur le tourisme au Myanmar.

Lors d’une conférence de presse, Danièle Mitterrand, en tant que présidente de Frances-Libertés, a rappelé le rôle essentiel des actions de la société civile. Son association interpelle régulièrement le gouvernement français à propos des agissements de Total en Birmanie. Pour Thaug Htun, « ambassadeur » des démocrates de son pays à l’ONU, l’abolition du travail forcé ne pourra pas se faire sans un cessez-le-feu. « Les militaires utilisent les forces humaines pour transporter leur matériel et leurs munitions, explique-t-il. Souvent, ce sont des femmes et des enfants qui servent aussi de chair à canon pour déminer les terrains ». En recevant la pétition, Mary Robinson s’est déclarée sensible à l’amorce de dialogue qui se dessine en Birmanie, mais elle a ajouté qu’il ne s’agissait que d’une étincelle donc qu’il ne fallait surtout pas lever la pression.

InfoSud / Carole Vann