L’Aide Suisse contre le Sida et le Groupe Sida Genève participeront à la session extraordinaire de l’assemblée générale de l’ONU sur le sida qui se tiendra du 25 au 27 juin à New York. C’est la première fois qu’une assemblée de l’ONU est consacrée à une question de santé publique et que des organisations non gouvernementales (ONG) sont autorisées à y participer. Il est prévu que les Etats réunis signent une déclaration indiquant comment juguler efficacement l’épidémie mondiale du Sida. Les gouvernements ont été invités à intégrer les représentants de la société civile comme signe d’ouverture. Sur les 184 pays participants, seuls 22 l’ont fait, dont la Suisse. Florian Hübner, directeur du Groupe Sida Genève, qui est aussi membre d’un réseau européen ICASO, sera du voyage. Interview.

Quelle signification revêt cette session spéciale ?
Cette assemblée, avec la présence massive de la société civile, illustre le fait qu’on ne passe plus sous silence le phénomène du sida. Le processus est devenu irréversible. On ne peut plus ignorer l’ampleur de la maladie. Kofi Hannan vient de proposer entre 7 et 10 milliards de dollars par an pour couvrir la prévention de ce fléau au niveau mondial. C’était impensable il y a quelques années.

Quelle importance pour les ONGs d’être présentes à New York ?
Près de 400 ONGs du monde entier ont demandé leur accréditation. Pour beaucoup d’entre elles, c’est une occasion unique d’entrer en contact avec les officiels de leur pays, leur ministre de la santé. En ce sens, la Suisse se montre exemplaire puisque nous faisons partie de la délégation qui accompagne Ruth Dreyfuss. Malheureusement, la Suisse ne participera qu’à titre d’observateur puisqu’elle ne fait pas partie de l’ONU. Mais d’autres pays montrent aussi l’exemple comme la Norvège, le Portugal.

Quels sont les points forts dont peut se targuer la Suisse ?
En Europe, la Suisse, Genève en tête, est un des pays les plus touchés, à part maintenant l’Europe de l’est (Russie, Ukraine) où l’épidémie prend une ampleur inquiétante. Mais la collaboration étroite entre les instances officielles et la collectivité publique est excellente. En quinze ans, la Suisse a développé un système de prévention très avancé. Les organisations de quartier font un travail de terrain qui ne serait pas accepté si cela venait des autorités publiques. Ce qui pour nous est devenu une banalité ne l’est pas pour d’autres pays où les associations ne reçoivent pas un dollar de subvention.
Deuxième point fort. En 15 ans, on a réussi à parler ouvertement des comportements à risques. En terme de prévention, on parle de sexualité, d’homosexualité, de drogues. Il y a des affiches, des spots télé très explicites. Cela a contribué à créer un climat de tolérance face aux gens qui vivent avec le sida. Depuis une dizaine d’années, on ose dire qu’on est séropositif alors que, dans d’autres pays, c’est le black-out total.

Actuellement , quelqu’un qui devient séropositif peut avoir un pronostic de vie presque normal. Comment parvenez-vous à faire de la prévention sans dramatiser la maladie ?
C’est vrai qu’avec les progrès de la médecine dans les pays du nord, on ne peut plus dire à nos populations « Vous allez mourir du sida ». Toute la difficulté est là. Dans la prévention, nous cherchons à faire passer deux messages essentiels : protéger l’autre et se protéger, ainsi qu’être solidaire avec ceux qui sont touchés.

Est-ce cette notion de solidarité que vous voulez faire passer à la session spéciale ?
Cette notion est un des aspects capitaux d’une bonne prévention. Si on a une meilleure tolérance, on a plus de chances de prévenir que des pays obscurantistes qui cultivent le déni des réalités sociales Quand un gouvernement affirme qu’il n’y a pas d’homosexuel dans son pays, que voulez-vous faire ? Il faut que la personne se sente acteur, libre de ses choix, qu’elle ne se sente pas niée dans sa spécificité. En Inde , un VIH n’a pas le droit de se marier. Aux Etats-Unis, un VIH n’a pas droit à l’immigration. Pour la session de New York, le gouvernement américain a fait une entorse pour permettre à des séropositifs de venir participer à l’assemblée. Ce sont des atteintes aux droits de l’homme graves. Ce déni pousse la personne à vivre sa sexualité à la sauvette sans pouvoir réfléchir à la prévention. En respectant les droits de l’homme, on réduit la vulnérabilité. La personne qui n’est pas niée dans sa spécificité peut agir de manière responsable.

Propos recueillis par Carole Vann / InfoSud