Dans ce hameau de la province de Tata, à 700 km au sud-est de Rabat, Milouda et Zahra, 29 et 35 ans, marchent dix kilomètres par jour pour chercher de l’eau et du bois pour la cuisson. Pour ces dernières, 10 ou 30% de femmes élues au parlement ne règleront pas leurs problèmes quotidiens.

"Ici, on ne s’intéresse guère à ce genre de choses. Les députés de Rabat et d’Agadir viennent souvent nous rendre viste. Notre seul souci est de travailler dur et de subvenir aux besoins de nos familles", explique une des paysannes. Généralement, plus de la moitié des femmes se rendent aux urnes lors des scrutins, mais epeu savent vraiment qui elles élisent.

"Les femmes votent souvent pour celui qui leur offre un peu d’argent et de quoi remplir leur panier le jour du souk ", ajoute-t-elle. Voter pour des femmes ? "Oui, à condition qu’elles nous fournissent l’eau potable et l’électricité."

Influer sur les décisions politiques

Pauvres, analphabètes et soumises, Milouda, Zahra ont ud mal à saisir le rôle du parlement. Les élections n’ont aucun impact sur leur quotidien. Dans ces petits villages, la politique demeure l’apanage des hommes. Dans la capitale, 10% des sièges à la Chambre des députés sont occupés par des femmes, suite à l’adoption en 2002, lors des dernières législatives, de la liste nationale féminine. Cette liste a été décidée de concert entre les acteurs politiques et avec le mouvement féminin, par souci de discrimination positive. Trente femmes ont été élues sur cette liste, 5 sur des listes normales.

Le Maroc reste à la traîne de la représentativité des femmes en politique. Le royaume chérifien occupe la 92e place au classement mondial du PNUD et la quatrième place du monde arabe. Aujourd’hui, la mouvance féministe réclame un quota d’un tiers des sièges au sein des instances élues. À un an des législatives de 2007, un vaste Mouvement pour le tiers s’est créé, estimant que seul un accès massif de femmes aux postes de décision permettrait d’améliorer leur sort.

Revendication légitime

Selon Rachida Tahiri, membre fondatrice du Mouvement, cette revendication est tout à fait légitime, puisque la moitié de la population sont des femmes et qu’elles occupent environ un tiers des professions qualifiées (médecine, ingénierie, enseignement et santé). "Nous estimons le tiers d’élues comme un minimum. Les études ont d’ailleurs démontré que seul ce seuil de représentativité est de nature à influencer la décision politique", explique Rachida Tahiri, également membre de l’Association Démocratique des Droits des Femmes au Maroc (Adfm), très active dans le monde rural.

Malgré les 35 femmes parlementaires, "nous ne disposons encore que de 1% d’élues dans les autres instances", ajoute-t-elle. Et s’il est vrai que les femmes rurales y sont peu sensibles, les adhérentes du Mouvement estiment qu’elles sont directement concernées : "c’est grâce à la présence d’un nombre important de femmes dans les instances élues que les problèmes des femmes rurales et pauvres seront abordés", renchérit Rachida Tahiri.

Les jeunes plus favorables

Aucun parti ne s’est encore opposé officiellement à ces femmes, qui appartiennent à toutes les tendances politiques, ne voulant pas risquer des querelles internes à moins d’un an des élections.

Mais la plupart des dirigeants politiques ont accueilli froidement l’initiative. Ils estiment qu’avant de parler du "tiers", il faut d’abord tirer tout le profit possible de la liste nationale dont le résultat - 35 femmes élues - avait été qualifié en 2002 de révolutionnaire. "Je suis pour la discrimination positive et j’ai toujours défendu la cause féminine, il ne faut pas aller trop loin", déclare, sous couvert d’anonymat, un dirigeant de l’Union Socialiste des Forces Populaires (Usfp), le plus grand parti de gauche, dont plusieurs militantes sont actives au sein du Mouvement.

"La femme, a-t-il ajouté, devrait démontrer, elle aussi, dans la vie quotidienne que ce genre d’acquis couronne des efforts sur le terrain et non pas une simple largesse de la classe politique."

Cette dernière attitude est celle du Parti de la Justice et du développement (Pjd, islamiste), pourtant le grand gagnant du système de listes nationales en 2002 : "Le peuple marocain qui a atteint une certaine maturité devrait plutôt voter sur l’efficacité et non en fonction de quotas", affirme Lahcen Daoudi, membre dirigeant du Pjd. Si les dirigeants âgés des partis politiques tournent le dos à l’initiative, les jeunes proches des partis démocratiques - s’y rallient avec enthousiasme.

"Les femmes et les jeunes de ces partis nous soutiennent et leur mobilisation à nos côtés est inconditionnelle ", note une autre dirigeante de l’Amfd, qui souhaite l’anonymat. La controverse n’est pas finie....