Le tressage de paniers a été le plus grand métier du Rwanda, et une activité communautaire cruciale, pendant des centaines d’années. Maintenant, ces paniers constituent une réussite surprise dans un grand rayon de magasin aux Etats-Unis, et réunissent Hutus et Tutsis comme n’avaient jamais pu le faire les tribunaux.

Au magasin Macy’s à New York il y a deux semaines, plusieurs femmes rwandaises ont présenté une nouvelle gamme de paniers et expliqué leur technique de tressage complexe à une assistance enthousiaste. La femme qui a fait la présentation était Willa Shalit, une artiste et femme d’affaires américaine, dont le ’Programme Rwanda Path to Peace’ (Rwanda chemin vers la paix) est le lien entre Macy’s et les vanniers.

’’Les objets d’art rwandais n’ont jamais été exportés à cette échelle auparavant’’, a affirmé Shalit.

L’impact économique au Rwanda a été considérable, en particulier dans les zones rurales où le besoin est le plus grand.

Quelque 2.500 femmes des quatre coins du Rwanda tressent maintenant des paniers dans le cadre de ’Rwanda chemin vers la paix’. Le Fonds des Nations Unies pour la femme, qui apporte un appui technique aux groupes de vanniers, reconnaît au programme le mérite d’avoir réduit la violence conjugale, puisque les femmes sont capables de subvenir aux besoins de leurs familles et amènent souvent leurs maris à s’y impliquer. Des tresseuses séropositives arrivent maintenant à mieux faire face à l’achat des médicaments cruciaux et à la nourriture, et jouissent d’un plus grand respect dans la communauté.

’’Lorsqu’une femme américaine achète ce panier, elle donne à une femme rwandaise un peu de nourriture, quelques vêtements, un peu de vie’’, a déclaré Consolate Mukanyiligira de l’Association Avega des veuves du génocide du Rwanda, qui est un organisme chapeautant des groupements de vanniers.

Si le programme de paniers connaît maintenant une envergure internationale, il a commencé avec les efforts de maîtres vanniers individuels au Rwanda. Ces chefs recherchent non seulement le succès de l’affaire, mais un chemin pour guérir là où la justice a échoué.

Douze ans après une guerre civile qui a tué jusqu’à un million de personnes en 100 jours, le système judiciaire rwandais est toujours submergé et inadéquat. Récemment encore, les prisons rwandaises abritaient 120.000 détenus attendant des poursuites judiciaires pour génocide. Certains ont attendu pendant plus d’une décennie. Une moyenne de mille procès par an prendrait plus d’un siècle pour tout terminer.

Pour accélérer le processus, le Rwanda a remis en service un système local de tribunaux de villages dénommés ’gacaca’. Les tribunaux gacaca sont une expérience vaste et audacieuse en matière de justice communautaire, et plusieurs observateurs juristes reconnaissent que c’est le plus grand espoir du pays pour un sentiment d’achèvement.

Mais certains activistes des droits de l’Homme estiment que le système des gacaca a ses propres imperfections. Les règles de témoignage et de condamnation sont subjectives et inconstantes. Les tribunaux sont concentrés dans les villes, laissant certaines régions rurales avec peu de justice. Pire, il s’est avéré que plusieurs juges de gacaca avaient eux-mêmes pris part au génocide.

Le réseau de vanniers du Rwanda réussit là où les gacaca n’ont pas atteint leur objectif. La réconciliation était une partie consciente du plan depuis le début. Maintenant, chaque groupement de vanniers dans le Programme chemin vers la paix est composé aussi bien de Hutus que de Tutsis.

Les tresseuses rwandaises s’asseyent généralement en grands groupes, partageant le matériel et travaillant étroitement ensemble. Les maîtres vanniers enseignent le métier à quiconque désire l’apprendre.

’’La manière dont elles le font, elles doivent être ensemble. Vous ne pouvez pas être seul’’, a expliqué Marie Claudine Mukamabano, une danseuse et activiste rwandaise qui vit maintenant à Brooklyn, aux Etats-Unis. ’’Et vous devez être simple pour votre professeur’’.

Un de ces professeurs, Pascasie Mukamulingo, est considéré comme le plus grand vannier du pays.

La vannerie a sauvé Mukamulingo. Lorsque la guerre a éclaté au Rwanda en 1994, Mukamulingo, une Tutsie, était à Kigali en train de vendre ses paniers. Lorsqu’elle est retournée dans son village, elle a constaté que la plupart des membres de sa famille avaient été tués.

Le village était tendu, et ses voisins hutus hésitaient à lui parler de peur qu’elle ne veuille se venger. Alliée à un vannier hutu, elle a lancé un groupe de vannerie dénommé Dufutanye, qui signifie ’’travaillons ensemble’’.

’’Les paniers étaient le meilleur moyen de réunir les gens’’, a affirmé Mukamulingo. ’’Des gens sortis de prisons pour crimes de guerre voulaient savoir comment participer au projet panier’’.

Dans un tribunal gacaca un jour, un homme hutu a été reconnu coupable d’avoir tué le fils de Mukamulingo. L’épouse du meurtrier était membre du Dufutanye, et apprenait la vannerie. Honteuse, la femme a quitté le groupe. Mukamulingo l’a accueillie à nouveau dans le groupe.

Mukamulingo a conçu son nouveau panier, une corbeille contenant un fruit blanc et noir avec un motif à damiers, pour symboliser l’unité des Hutus et des Tutsis.

’’Je n’ai jamais vu une réconciliation aussi réussie’’, a déclaré Shalit. ’’Si l’accent est sur quelque chose d’autre, mais vous partagez le même intérêt, la réconciliation vient plus naturellement’’.

Shalit s’est adressée à un certain nombre de compagnies américaines au sujet de la vente de paniers à travers le Programme chemin vers la paix, mais a choisi Macy’s parce que c’est le seul qui voulait des paniers comme les femmes les concevaient, en utilisant des motifs traditionnels. Macy’s a également exprimé un engagement à faire en sorte que le programme soit durable.

La première gamme de paniers offerts par Macy’s en septembre 2005 s’est vendue très rapidement, et les nouvelles gammes sont restées populaires. Maintenant, Shalit est en train de chercher des marchés pour les paniers en Europe et en Asie.