Moyen-Orient

Saddam Hussein : crimes sans châtiments

Saddam Hussein a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité. Ce dimanche, le Haut Tribunal pénal irakien l’a condamné à la mort par pendaison. « Allah est grand ! » a répliqué en criant l’ancien raïs, visiblement secoué à l’énoncé du verdict. « Vive la nation glorieuse ! A mort ses ennemis ! » Le commmentaire de Richard Werly.

Une condamnation à mort est tout sauf acceptable. Y compris dans le cas d’un dictateur sanguinaire comme Saddam Hussein. Pendre l’homme qui prit en otage son peuple durant près de trente ans ne rendra pas justice aux victimes de ses horreurs. Et cela ne cicatrisera pas, loin de là, les plaies d’un pays rongé par les vengeances et les règlements de comptes.

En prononçant la peine capitale contre l’ex-tyran, les juges du Tribunal spécial irakien ont pris le risque d’alimenter plus encore le cycle infernal du talion qui, déjà, jette les communautés kurde, sunnite, chiite et turkmène les unes contre les autres. Sans parler des limites mêmes d’un procès perçu par beaucoup comme une machinerie à sens unique, résultat de la volonté de l’occupant américain qui l’a sécurisé, financé et encadré.

Les crimes commis par Saddam Hussein et les plaies qu’il a infligées à son pays ne s’effaceront pas avec le nœud coulant d’une corde ou, comme le réclame l’intéressé, avec la salve d’un peloton d’exécution. Le plus approprié des châtiments est une justice qui tente, malgré la tempête dans laquelle se trouve empêtré l’Irak depuis le printemps 2003, d’établir les faits, de demeurer sereine, sourde aux pressions, respectueuse du droit des victimes et de celui des accusés. Une justice qui ne soit pas, chaque jour, bafouée par des crimes sans châtiments dans les rues de Bagdad ou de Bassorah : camions-suicides des kamikazes, snipers des groupes insurgés, tirs à l’aveugle des forces américaines pressées de se sortir de ce bourbier moyen-oriental.

Il fallait juger Saddam Hussein et les siens. Ce clan sanguinaire qui tenait l’Irak en coupe réglée comme la pire des mafias ne peut pas demeurer impuni, même au prix d’une hypothétique réconciliation. Mais une justice expéditive, épaulée par des brigades d’enquêteurs venus des Etats-Unis, court tous les risques d’un échec patent. Depuis leur capture peu glorieuse, dans sa cache souterraine pour l’ex-tyran, dans leur fuite pour d’autres, Saddam Hussein et ses sicaires sont en prison. Ils doivent y demeurer une fois jugés. Sans précipitation. La corde n’est pas la solution.

Les réactions de la communauté internationale.

La Maison-Blanche se félicite de la décision de la justice irakienne, tout comme l’Angleterre et l’Iran. Prenant acte du verdict qui établit la culpabilité de Saddam, la Finlande, qui assure la présidence de l’Union européenne, la France, l’Espagne et l’Italie notamment ont rappelé leur opposition à la peine capitale. Pour la Suisse, « la peine de mort n’est pas justifiable, même pour les crimes les plus graves », souligne le ministère suisse des affaires étrangères. Louise Harbour, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a enjoint le gouvernement irakien de ne pas exécuter l’ancien président. Moscou craint que cette sentence ne divise un peu plus le peuple irakien.