La commission d’enquête sur "le ciblage systématique et les massacres de civils par Israël au Liban" présente son rapport au conseil vendredi. Suite à sa session spéciale d’août, le président du Conseil, le Mexicain Luis Alfonso de Alba avait envoyé trois enquêteurs au Liban : Joao Clemente Baena (Brésil), Mohamed Chande Othamn (Tanzanie) et Stelios Perrakis (Grèce).

Leur rapport fustige Israël pour "usage excessif, indiscriminé et disproportionné de la force" par son armée, "qui a outrepassé les principes de nécessité militaire et de proportionnalité et négligé de faire la différence entre cibles civiles et militaires, constituant ainsi un violation flagrante du droit humanitaire international".

Que répondez-vous à ces conclusions ?

Les membres de la commission n’ont pas eu une vision complète de la situation, donc par définition leur rapport est déséquilibré, injuste et partial. Ils ne se sont pas enquis des dommages côté israélien. Il y a de nombreuses omissions, par exemple nous avons lâché des milliers de tracts, avertissant les villageois libanais de se tenir à distance suffisante des positions du Hezbollah.

La commission dit que l’usage des bombes à sous-munitions, notamment durant les dernières 72 heures de la guerre, était excessif et ne répondait à aucune nécessité militaire.

Nous prenons la chose très au sérieux et nous enquêtons à ce sujet. Nous ne savons vraiment pas ce qui s’est passé, si elles furent utilisées ni où elles furent utilisées. Encore que je doive dire qu’il n’y a pas d’interdiction sur l’usage des bombes à sous-munitions.

Il est difficile de croire qui vous ne savez pas ce que l’armée israélienne a fait durant les derniers jours de la guerre...

A l’image de nombreux pays, nous ne partageons pas les informations sur nos opérations militaires avec le monde entier.

La commission vous demande de fournir immédiatement à la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) et au gouvernement du Liban des informations détaillées sur l’usage et la localisation des bombes à sous-munitions, afin d’éviter d’autres pertes de vies humaines dues à des engins non explosés, et afin de permettre à la population de regagner ses foyers. Allez-vous le faire ?

Nous n’avons rien contre les civils et nous ferons tout ce qui est possible pour coopérer. Nous avons des réunions régulières avec la FINUL et l’armée libanaise à ce propos, ainsi que sur d’autres sujets.

Le Conseil a consacré trois sessions à Israël depuis sa création. Maintenant il va y en avoir une sur la situation des droits de l’homme au Darfour. Est-ce que vous la soutenez ?

Oui. La situation dans l’ouest du Soudan est proche du désastre, avec des millions de personnes déplacées, tuées, une population éprouvée. La session spéciale doit condamner fermement les responsables et donner des recommandations pour sauver des vies.

Les responsables sont-ils le gouvernement du Soudan et les milices qui lui sont affiliées, comme l’a dit la haut commissaire pour les droits de l’homme Louise Arbour ?

Chacun sait qui ils sont.

Le secrétaire général des Nations Unies a appelé le Conseil à voir plus loin que les seules violations des droits de l’homme dans le conflit israélo-palestinien. Etant donné le rapport de force dans le conseil, est-ce possible ?

Nous devons dépolitiser le Conseil. Nous sommes retournés dans les traces de l’ancienne commission, et même pire en terme de politisation, de sélectivité et de manque d’universalité.

Est-ce difficile d’être ambassadeur ici, sachant que la majorité des Israéliens ne prennent pas les Nations Unies au sérieux, parlant à son sujet de "oom schoom", ce qui peut se traduire par "ONU-rien" ?

C’est un grand défi d’être ambassadeur ici. Les Israéliens disent "oom schoom" et pensent que les Nations Unies ne sont pas prêtes à les aider. Pensez-vous vraiment que ces différentes missions vont nous aider à résoudre les problèmes avec les Palestiniens ? Le seul moyen d’y parvenir est de nous asseoir face à face et de les résoudre politiquement. La solution ne se trouve pas ici à Genève.

Lorsque le Conseil a été formé, au début de l’année, le secrétaire général a dit : "Il représente une nouvelle grande occasion pour les Nations Unies et pour l’humanité de renouveler le combat pour les droits de l’homme". Sur dix, quelle note lui donneriez-vous jusqu’à maintenant pour coller à cet idéal ?

A peine un sur dix. Le Conseil représente la première tentative concrète de réformer l’ONU, mais si cet exemple devait être suivi, je suggérerai que l’ONU n’aille pas plus loin, car cet exemple est un échec. Il a été pris en otage par les pays arabes et musulmans, qui détiennent le rapport de force. Si au cours des cinq prochaines années le Conseil continue dans la voie qu’il a prise durant les cinq premiers mois, les gens vont réaliser qu’il n’y a plus aucun intérêt à en faire partie et il va disparaître, tout comme l’ancienne commission. Mais il est encore temps de redresser la situation.