Expert reconnu du droit humanitaire et du droit international, le professeur Kälin admet que le projet de nouveau Conseil des droits de l’homme, tel qu’il a été approuvé, n’est pas exactement celui qu’il espérait. Mais, pour lui, un pas dans la bonne direction a été franchi.

Dans son document datant de 2004 et intitulé «Vers un Conseil des droits de l’homme: options et perspectives», Walter Kälin proposait trois modèles de Conseil. A savoir, un petit (de 15 à 25 membres), un moyen (de 50 à 60 membres) et un grand (universel).

Parmi les éléments-clé de son projet figurait l’idée de faire de ce Conseil l’un des principaux organes de l’ONU en lui donnant plus de «mordant» pour pouvoir s’attaquer aux Etats qui violent les droits de l’homme.

En outre, ce projet suggérait que le Conseil des droits de l’homme se réunisse deux ou trois fois par an, avec la possibilité de convoquer des sessions d’urgence.

Etes-vous satisfait du résultat final, ou votre bébé s’est-il transformé en monstre?

Eh bien, ce n’est pas exactement ce que j’aurais souhaité. Mais, si nous considérons cela d’une manière réaliste, c’est plutôt un bon projet. D’autant que je ne pense pas que nous serions parvenus à une meilleure solution si les discussions s’étaient poursuivies.

Je pense, au contraire, que le projet aurait été affaibli, dilué. Au final, il n’y aurait pas eu de grand progrès donc pas de réelle réforme.

Au départ, vous jugiez qu’il y existait un besoin clair de donner au Conseil plus de mordant. Qu’aviez-vous en tête?

Plus de mordant signifie être capable de réagir rapidement aux nouveaux cas de violations grossières et systématiques des droits de l’homme. J’avais le sentiment qu’il était nécessaire de créer un organisme permanent siégeant tout au long de l’année et non pas temporairement.

Je pensais que nous aurions besoin d’un organisme qui ait davantage d’autorité et qui soit moins sélectif. Car, jusqu’à présent, certains pays ont échappé à des enquêtes voire à de simples critiques pour des raisons purement politiques, même s’ils connaissaient de réels problèmes en matière de droits de l’homme.

L’un des points forts du projet est qu’il y aura un examen régulier de la situation de chaque pays. Cela nous permettra réellement d’identifier les problèmes existants.

Le conseil qui a finalement été accepté est très proche du modèle de taille moyenne. Or vous estimiez dans votre projet qu’une telle solution comportait le danger d’une «approche trop politisée des droits de l’homme».

Le but était de trouver un savant équilibre entre le savoir-faire, la légitimité, l’efficacité et la représentativité.

Cela vous conduit inévitablement sur le choix d’un modèle qui se trouve quelque part à mi-chemin entre un conseil de très petite taille et un autre de très grande taille.

A l’époque, je n’avais indiqué aucune préférence, parce que mon but était de lancer le débat et non de proposer un modèle. Mais, pour ma part, je savais déjà que j’aurais probablement opté pour un conseil de taille moyenne.

Les Etats-Unis avaient privilégié un conseil plus petit, d’environ 30 pays. Quels arguments plaident contre cette solution?

Nous vivons dans un monde où un grand nombre de tensions existent entre certains Etats et entre certaines régions. Je pense qu’avec un conseil de très petite taille, nous aurions débouché sur davantage de politisation, et plus particulièrement au moment de l’élection des membres de ce conseil.