Afrique

Le Procureur de la CPI présente des preuves contre des criminels de guerre du Darfour

New York, 14 décembre 2006
Luis Moreno-Ocampo, le Procureur de la CPI, a indiqué aujourd’hui au Conseil de sécurité des Nations Unies avoir pratiquement terminé une enquête relative à certains des pires crimes commis au Darfour. Il s’apprête à présenter des éléments de preuve aux juges de la Cour, au plus tard en février 2007, et met en place des mesures de protection des victimes et des témoins.

Les éléments de preuve dans cette première affaire qui est sur le point de s’ouvrir mettent en évidence les personnes qui semblent porter la responsabilité la plus lourde pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, notamment des persécutions, des tortures, des meurtres et des viols. Le Conseil de sécurité a renvoyé la situation du Darfour au Procureur en mars 2005.

Cette avancée intervient alors même que la violence continue de faire rage au Darfour et qu’avec son cortège de crimes, elle semble gagner le Tchad et la République centrafricaine. « Ce Conseil a admis que rendre justice aux victimes contribuera à renforcer la sécurité et mettra en garde - au-delà des frontières du Darfour - les personnes qui, sans cela, pourraient recourir à la violence et au crime pour atteindre leurs fins », a déclaré M. Moreno-Ocampo.

Cette première affaire ouverte par le Procureur se concentrera sur une série d’incidents qui ont eu lieu en 2003 et 2004, à une époque où de très nombreux crimes parmi les plus graves ont été commis. Ce qui est peut-être le plus important, c’est que les preuves mettent à nu le cadre opérationnel sous-jacent grâce auquel ces nombreux crimes ont pu être commis.

Les preuves viennent de multiples sources et sont le résultat d’une analyse minutieuse, indépendante et impartiale des éléments à charge et à décharge. Parmi ces sources figurent des déclarations de victimes, mais également d’agents soudanais, des documents fournis par le Gouvernement du Soudan et la Commission nationale d’enquête, des milliers de documents recueillis par la Commission internationale d’enquête, de même que des éléments matériels provenant du Conseil de sécurité, d’États et d’organisations internationales.

Le Procureur a décrit quatre missions que des membres de son personnel ont effectuées au Soudan. Il a notamment fait référence à des entretiens qui ont eu lieu en août 2006 avec deux hauts fonctionnaires qui, de fait de leurs fonctions, ont été en mesure de fournir des renseignements à propos des activités des forces de sécurité au Darfour et des autres parties au conflit. La Procureur a néanmoins précisé que « plusieurs demandes de documentation et d’entretien n’ont toujours pas été satisfaites et restent l’un des éléments importants du processus de collecte de renseignements ».

La Procureur a eu pour priorité d’aller à la rencontre des victimes et d’évaluer leurs intérêts. Depuis le début de l’enquête, son Bureau a mené plus de 70 missions dans 17 pays différents, passé en revue des centaines de témoins potentiels et pris plus de 100 dépositions officielles de témoins, dont beaucoup étaient également des victimes.

Le Procureur a décrit les efforts qu’il a déployés en vue d’analyser la recevabilité de l’affaire en sollicitant des informations de la part du Gouvernement du Soudan et d’autres sources pour savoir si des procédures judiciaires nationales avaient véritablement été engagées. La CPI a vocation à être une juridiction de dernier recours et, en application du Statut de Rome, elle ne peut intervenir que si les autorités nationales n’ont pas la capacité ou la volonté de mener des enquêtes et des poursuites.

En novembre, M. Moreno-Ocampo a demandé au Gouvernement du Soudan de faire le point au sujet des procédures judiciaires nationales. Dans une réponse officielle, le Gouvernement a indiqué que 14 personnes avaient été arrêtées pour des violations du droit international humanitaire et des atteintes aux droits de l’homme. Il semblerait néanmoins que l’affaire que le Procureur entend présenter ne soit pas frappée d’irrecevabilité du fait des actions décrites. Le Procureur a indiqué qu’il allait solliciter la coopération du Gouvernement du Soudan afin qu’une équipe de son Bureau puisse se rendre dans le pays en janvier 2007 pour y rencontrer les personnes détenues.

Alors que le Procureur s’apprête à soumettre des éléments de preuve aux juges, il suit de près les allégations relatives aux crimes commis en ce moment-même, crimes qui ne feraient qu’aggraver la souffrance de la population la plus vulnérable du Darfour, y compris les plus de deux millions de personnes que la violence a déjà déplacées. Malgré l’accord de paix pour le Darfour, on signale toujours presque chaque jour des actes criminels graves, notamment des agressions à caractère sexuel contre des femmes et des enfants et des attaques contre des villages, auxquelles viennent s’ajouter des attaques signalées contre des travailleurs humanitaires et des soldats de l’Union africaine chargés du maintien de la paix. « Les auteurs de ces crimes se dressent en obstacles à la paix et à la sécurité », a déclaré M. Moreno-Ocampo à l’adresse du Conseil.

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