Un cauchemar sans fin. A l’heure où la communauté internationale n’en finit plus de tergiverser, le Darfour poursuit sa longue descente aux enfers. La situation empire sur le terrain des violences, qui ont fait au moins 200000 victimes en près de quatre ans de conflit. Vendredi, six ONG internationales présentes dans l’ouest soudanais ont annoncé l’évacuation temporaire de centaines de leurs employés des zones devenues trop dangereuses. Au même moment, l’Union européenne (UE) faisait part à Bruxelles de sa « profonde préoccupation » quant à la situation. Sans pour autant annoncer la moindre mesure concrète en faveur d’une résolution du conflit.

250 expatriés renoncent

« Depuis la signature des accords de paix d’Abuja, la situation n’a fait qu’empirer, déplore Alun MacDonald, le porte-parole d’Oxfam joint par téléphone à Khartoum. Ces deux dernières semaines, l’augmentation des attaques contre les humanitaires nous a conduits à évacuer cinq zones clés de l’aide aux populations civiles. Il faudra renoncer à d’autres secteurs dans les mois qui viennent. » Face à une dégradation sans précédent de la situation, 250 expatriés au total renoncent temporairement. Une partie du personnel d’Oxfam, Concern Worlwide, Goal, International Rescue Committee (IRC), le Norwegian Refugee Council et World Vision est rapatriée vers des zones plus calmes où les ONG entendent coûte que coûte maintenir leur présence. Dans l’est du Tchad, où le conflit du Darfour déborde, ils sont plus de 400 à se retirer.

« Nous sommes forcés d’abandonner momentanément des secteurs dans lesquels nous fournissons des services vitaux, poursuit le représentant d’Oxfam. Les conditions d’insécurité sont telles que tout bascule d’une minute à l’autre. Pendant une semaine, nous ne pouvions même plus accéder aux camps de réfugiés. » A Al-Fascher, dans le Nord-Darfour, certains expatriés ne peuvent pas quitter la ville. Pas plus qu’ils ne peuvent secourir les populations.

Prises au piège de la violence, les ONG voient leurs mouvements limités. Mais elles affichent une volonté tenace de rester : « Nous sommes convaincus que notre présence est plus que jamais indispensable, affirme Jessica Barry, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Soudan. Même si nous ne pouvons pas rester à Kutum la nuit, par exemple, nous n’avons aucune intention d’abandonner le terrain. » Et l’organisation de souligner que le conflit a dégénéré ces derniers mois, du fait de la multiplication et de la fragmentation des groupes armés qui se livrent au banditisme.

De son côté, la communauté internationale est toujours velléitaire. L’UE a demandé vendredi « l’arrêt immédiat des hostilités » et appelé Khartoum à « protéger efficacement l’ensemble des citoyens contre tous les actes de violence ». Elle a aussi plaidé contre l’impunité. Mais contre « l’escalade de la violence », l’Union ne propose aucune solution : la création d’une zone d’interdiction de survol du Darfour, envisagée jeudi par Londres et Washington, n’a pas été retenue par les Vingt-Cinq. Aucune mesure n’a été prise contre le gouvernement soudanais qui refuse le déploiement de Casques bleus de l’ONU dans la région. L’Union africaine a, elle, demandé à Khartoum « le désarmement immédiat des Jandjawid », les milices arabes à la solde du pouvoir, et s’apprête à exiger des sanctions contre les parties au conflit qui violent le cessez-le-feu conclu en mai dernier.

Enfin, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, a présenté jeudi son quatrième rapport d’étape sur le Darfour devant le Conseil de sécurité des Nations unies à New York. Il a annoncé qu’il soumettrait sa première enquête aux juges de la Cour d’ici à février 2007 et estime avoir les preuves suffisantes que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été commis au Darfour.