Son rêve d’être éduquée et de devenir un médecin pour aider sa mère qui tire le diable par la queue s’est effondré lorsqu’elle a réalisé que personne ne pouvait payer pour son éducation. Son sort n’a changé que l’année suivante lorsque l’enseignement primaire gratuit a été introduit au Lesotho.

Lineo est devenue depuis la meilleure élève à l’Ecole primaire de Makhoa dans les contreforts ruraux du district de Leribe, dans le nord du Lesotho.

Ce pays d’Afrique australe est dans sa septième année d’instauration de l’école primaire gratuite. Avec un taux d’alphabétisation des adultes tournant autour de 80 pour cent sur ses deux millions d’habitants, le Lesotho vise à atteindre l’éducation primaire universelle d’ici à 2015.

C’est la date fixée pour la réalisation du deuxième Objectif du millénaire pour le développement (OMD), sur l’éducation primaire universelle ; cet OMD se focalise également sur le maintien des élèves à l’école primaire.

Avant l’introduction de l’enseignement primaire gratuit en 2000, 60 enfants sur 100 étaient inscrits à l’école primaire au Lesotho. Des efforts concertés ont amélioré le taux d’inscription qui est passé à 80 enfants sur 100 en 2000 ; et ensuite à 85 sur 100 en 2003 (les dernières statistiques disponibles du ministère de l’Education et de la Formation).

Avec l’aide des institutions internationales, le gouvernement a construit plus de salles de classe dans des écoles et de nouvelles écoles primaires dans des régions précédemment sans services éducatifs. Ce faisant, des écoles surpeuplées ont été décongestionnées, tandis que les longues distances à pied, qui étaient couvertes par les jeunes apprenants, ont été réduites.

Cette année seule, 17 écoles primaires totalement meublées ont été construites avec l’aide de la Banque africaine de développement, de l’Aide irlandaise, de l’Union européenne et de la Banque mondiale, rendant possible l’inscription de 14.000 autres élèves.

Avant l’introduction de l’enseignement primaire gratuit, environ un quart des élèves dans le pays n’avaient pas de bancs. Maintenant presque chaque enfant de l’école primaire a un siège, parce que toutes les nouvelles salles de classe sont pourvues de mobilier. Le gouvernement fournit également des matériels didactiques et d’apprentissage requis.

Le gouvernement a employé et formé plus d’enseignants, réduisant le ratio élève-enseignant d’environ 70:1 aux niveaux actuels de 50:1. Le ministère a également introduit des programmes d’éducation à distance pour former des enseignants non qualifiés dans des zones rurales.

L’Ecole primaire de Makhoa reste le témoignage de la manière dont l’école primaire gratuite a non seulement révolutionné l’enseignement, mais a également changé la vie des enfants. En 2002, le gouvernement y a construit quatre salles de classe supplémentaires, un bureau, deux magasins, des toilettes et deux citernes d’eau.

Précédemment, l’école avait environ 80 écoliers entassés dans chaque salle de classe, dont plusieurs devaient s’asseoir sur des pierres ou à même le sol. Ce nombre a été ramené à une moyenne de 55 écoliers qui ont tous maintenant des bancs pour s’asseoir, affirme ’Me Minah Monokoane, le directeur de l’école.

Le moral des enseignants a été remonté parce que ’’tous les gamins ont maintenant des matériels didactiques, contrairement à l’ancien temps quand seuls les enseignants disposaient de manuels scolaires’’, ajoute Mamakhaola Makane, un enseignant de la même école.

Les enseignants louent également l’introduction par le gouvernement de ’Faire une percée vers l’alphabétisation’, une méthode d’enseignement destinée à aider des enseignants à s’occuper de grands nombres d’apprenants. Les enfants reçoivent l’enseignement en groupe selon leur rythme d’apprentissage jusqu’à ce qu’ils maîtrisent le contenu.

Le repas gratuit offert a rendu l’école accessible aux enfants les plus vulnérables. ’’Les enfants attendent avec impatience les repas qu’on leur donne chaque jour. Ils reçoivent ici des aliments équilibrés sur le plan nutritif, qui ont également amélioré leur santé. Bon nombre d’entre eux viennent de familles qui n’ont pas les moyens d’acheter des œufs ou du lait’’, souligne Monokoane.

Parmi les élèves de l’école, se trouvent des orphelins comme Setlabocha One, âgé de 13 ans. Ayant rejoint l’école après le reste de sa tranche d’âge, il est dans la même classe que ses deux jeunes frères — et est ravi que son plus jeune frère de sept ans puisse recevoir une éducation.

’’J’aimerais remercier le gouvernement de nous avoir donné l’opportunité d’aller à l’école et de recevoir des repas gratuitement’’, affirme un Setlabocha timide, dont les parents ont laissé dix orphelins.

Nkonko Hlekisane, âgé de 13 ans, qui vient d’un ménage de sept enfants dirigé par un enfant, exprime la même gratitude. Il apporte à la maison des aliments à emporter fournis par le Programme alimentaire mondial pour les partager avec ses frères qui ne sont pas à l’école. Ceci leur permet de survivre, comme la famille n’a pas sa propre terre pour y cultiver des produits alimentaires.

Même si des succès sont notables avec l’inscription, les taux élevés d’abandon à l’école primaire restent un casse-tête. Les taux d’achèvement ont montré une amélioration limitée : 59 pour cent en 1999 avant que l’éducation ne devienne gratuite, passant à 66 pour cent en 2000, 65 pour cent en 2001, 58 pour cent en 2002 — et une nouvelle augmentation à 65 pour cent en 2003.

Ainsi, sur les 180.000 écoliers inscrits au niveau 1 (CI) en 2000, seuls 48.000 ont pu passer les examens de 7ème année ce mois-ci.

Makane affirme que certains écoliers quittent à cause des mariages et des grossesses. ’’D’autres seraient retournés à l’élevage des animaux ou auraient abandonné les classes parce qu’ils ont échoué et veulent éviter d’être dans les mêmes classes que les plus jeunes.

’’Nous ne pouvons pas oublier l’impact de la pandémie du VIH/SIDA. Plusieurs enfants abandonnent les classes pour s’occuper de leurs parents malades ou de leurs frères orphelins’’, souligne Makane.

Le gouvernement espère atteindre l’objectif de l’éducation primaire universelle en 2015, avec la promulgation d’une nouvelle loi sur l’éducation primaire obligatoire destinée aux parents qui enlèvent leurs enfants de l’école pour effectuer des tâches ménagères comme l’élevage des animaux.

Toutefois, nombre des enfants qui ont rêvé d’un avenir brillant — comme Lineo — voient ces rêves brisés lorsqu’ils réalisent que l’enseignement secondaire n’est pas gratuit.

Le gouvernement ne subventionne à l’heure actuelle l’enseignement secondaire que pour les orphelins de père et de mère et certains enfants vulnérables. Les responsables du ministère de l’Education ont confirmé à IPS qu’ils étaient en concertation avec le ministère des Finances sur la possibilité d’accroître ces parrainages pour accueillir un plus grand nombre d’enfants nécessiteux.

(* Le nom a été changé sur demande). (FIN/2006)