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Révélations sur des décennies de terreur policière

Une part sombre de l’histoire du Guatemala vient de faire surface sur le web, grâce à l’Université du Texas. Douze millions de documents d’archives de la police nationale, sur des cas de torture, de disparitions forcées et de meurtres commis durant 36 ans de guerre civile sont désormais accessibles.

Guatemala City, Danilo Valladares /Infosud - « Les archives historiques de la police nationale guatémaltèque (AHPN) sont désormais librement consultables par le public », annonce fièrement Alberto Fuentes, l’un des experts de l’AHPN. Elles contiennent essentiellement des documents sur des cas impliquant des crimes et des violences dans le pays ainsi que des procès-verbaux de contrôle social et de surveillance, notamment des politiciens de l’opposition.

« Nous avons trouvé plus de 900 000 dossiers personnels contenant des noms, des photographies et des empreintes digitales d’individus ainsi que des notes sur leurs activités politiques. » Jusqu’à présent, 13 millions de documents ont été nettoyés, classés et numérisés. Un travail de fourmi réalisé en collaboration avec l’université d’Austin au Texas et mis en ligne depuis le mois de décembre.

L’AHPN a commencé à récupérer et à numériser les archives en 2006. Une année plus tôt, les fonctionnaires du bureau des Droits de l’homme du gouvernement guatémaltèque (Procuraduría de derechos humanos) ont trouvé par hasard des documents dans un vieux dépôt de munitions délabré, dans le nord de la ville de Guatemala. Les tas de dossiers étaient empilés du sol au plafond dans des dizaines de pièces infestées de rats, de chauves-souris et de cafards, et la plupart des fichiers étaient dans un état de délabrement avancé. Depuis, ces documents sont conservés sous haute sécurité.

« Ces archives sont utilisées comme preuves pour permettre au système judiciaire de délivrer des mandats d’arrestation et d’amener enfin les coupables devant les tribunaux », assure Alberto Fuentes. Ces documents ont servi dans plusieurs procès contre des membres de l’armée poursuivis pour violations des droits humains commises pendant la guerre civile. C’est le cas cette année avec l’arrestation du général à la retraite Héctor López. L’homme de 81 ans a été appréhendé le 17 juin, avant d’être inculpé de génocide et de crimes contre l’humanité pour son rôle présumé dans des massacres de populations indigènes dans les années 1980.

« Une fois qu’il aura été clairement démontré que les officiers de l’armée et le haut commandement ont joué un rôle dans les milliers de massacres et de meurtres dans le pays, nous serons enfin capables de ressentir une certaine paix », confie Ada Melgar, dont le père a été assassiné pendant le conflit armé. « Nous avons déposé une plainte contre l’Etat, parce que nous sommes sûrs que la mort de mon père a été planifiée par les forces de sécurité. » Ada Melgar travaille actuellement pour les archives de la police. Pour elle, ces documents sont très précieux, car ils peuvent prouver l’existence de listes de noms de personnes placées en garde à vue qui coïncident avec beaucoup d’hommes et de femmes qui ont par la suite été capturés et qui ont disparu.

« L’AHPN est devenue une source essentielle d’information pour rechercher les personnes qui ont été tuées pendant le conflit armé », explique José Suasnabar, directeur adjoint de l’ONG guatémaltèque Forensic Anthropology Foundation (FAFG). Il indique que de nombreuses informations trouvées dans les archives aident à identifier les corps enterrés dans des tombes anonymes dans le cimetière à Escuintla, dans le sud du pays.

Mais pour Aura Elena Farfán, de l’Association guatémaltèque des familles des détenus et des disparus (FAMDEGUA), une crainte persiste : « Désormais, tous ceux qui d’une manière ou d’une autre sont liés à la répression pendant la guerre veulent que ces traces disparaissent. Ce qui en fait un grand nombre. »